Contes populaires de toutes les Bretagne
jouent un rôle important. Par contre, le thème
du plat d’abondance se réfère à celui de l’écuelle inépuisable et au chaudron
merveilleux de la tradition galloise, et préfigure le thème du Graal.
LA GRANDE BRIÈRE
La Grande Brière est un vaste marécage, avec des canaux qui
drainent les eaux à travers une végétation assez dense. On y entend le cri des
oiseaux et le bruit des bêtes qui rôdent dans les roseaux. Mais il n’en fut pas
toujours ainsi.
Autrefois, il y a bien longtemps, si longtemps que personne
ne se rappelle l’avoir vu, à ce qu’on raconte, à l’emplacement des marais, il y
avait un beau château cerné de tours, et puis un grand parc planté d’arbres
superbes. Dans ce château vivait un seigneur qui ne fréquentait pas ses
semblables : il demeurait chez lui, sans jamais en sortir, et se promenait
souvent dans les sentiers de son parc. On disait qu’il avait trouvé le secret
de l’immortalité et qu’au cours de sa longue vie, il avait également découvert
le moyen de faire de l’or. En tout cas, on disait qu’il était fort riche, et
qu’il avait enterré son trésor, quelque part, au pied d’une butte.
Or un jour, un sorcier vint s’établir dans le pays. Il avait
entendu parler de la richesse du seigneur, et comme il était très cupide, il
décida de s’en emparer.
Grâce à ses pouvoirs magiques, il déclencha une terrible
tempête sur la région. Jamais on ne vit une telle violence des vents. Les
tourbillons mirent bas tous les arbres de la forêt, et les eaux, soulevées par
des rafales, montèrent si haut que tout fut submergé. Le château, bien qu’il
fût solidement bâti, fut détruit de fond en comble, de telle sorte qu’il n’en
reste plus aucune trace aujourd’hui.
Le sorcier se précipita vers l’endroit où il savait que le
trésor était enfoui, mais au moment où il allait en prendre possession, il vit
un nain qui s’enfuyait en portant un grand sac. Il le poursuivit, mais le nain
courait plus vite que lui, et le sorcier l’aperçut qui se glissait sous le
dolmen de Crugo. Il essaya de creuser la terre, mais les eaux montaient si vite
que le sorcier, comme tous les habitants de la contrée, fut noyé.
Il n’y eut guère qu’un taureau et une femme qui purent
échapper au déluge. Ils se réfugièrent sur la butte du Bois de l’Île, qui est
le seul endroit qui ne fut pas inondé. Quant au trésor, personne n’a jamais osé
le chercher sous le dolmen de Crugo, car on craint la malédiction du seigneur.
Et la nuit, quand on se promène sur la Brière, on aperçoit
des lueurs qui suivent les bélins [3] des Briérons. Certains disent que ce sont les
âmes des hommes sacrifiés par les druides sur les rochers qui entourent la
Brière, dans les temps où les druides possédaient le pays tout entier. Mais
d’autres disent que ce sont les âmes de ceux qui ont péri lors de la grande
tempête, et qui reviennent hanter les lieux où ils vivaient.
Quant aux sorciers, ils essayent toujours de trouver le
moyen de s’emparer du trésor. Le soir, principalement en été, quiconque se
promène sur la Brière entend de temps en temps un sifflement dans l’air. C’est
un cortège de sorciers qui passe. Et cela porte malheur de les entendre. C’est
pour cela qu’il ne faut point errer dans la Brière, la nuit, car tous les
sorciers sont à la chasse au trésor enfoui sous le dolmen de Crugo.
Crugo, Bréca et Saint-Lyphard
(Loire-Atlantique).
Il est
certain que la Grande Brière n’a pas toujours été un marécage. Les troncs
d’arbres qu’on retrouve dans le marais nous le prouvent. Ici, la légende,
contaminée par le mythe de la Ville d’Is, restitue peut-être la réalité
historique : un cataclysme. Mais dans toute la Brière, la croyance aux
sorciers est si vivace qu’on ne pouvait donner à ce cataclysme une cause
naturelle.
LE LUTIN DE LA BRIÈRE
La paroisse de La Chapelle-des-Marais se trouve à proximité
de la Grande Brière, là où les marais sont les plus profonds, les plus secrets,
là où, la nuit, le monde des esprits se réveille sans qu’on puisse savoir les
aspects que prennent les êtres de l’ombre quand ils frôlent les humains.
Quand les gens de La Chapelle-des-Marais s’en reviennent le
soir, un peu tard, et passent près des marais, ils entendent souvent une voix
triste qui sort de la brume, comme si c’était un homme qui se noie, et qui
dit :
— À l’aide !
Alors ils courent aussitôt
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