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Crucifère

Crucifère

Titel: Crucifère Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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annihila chez ses gardes et ses courtisans toute velléité de jugement.
    Puis il alla saluer sa nièce.
    Cassiopée était toujours couchée dans l’étroit lit qu’on avait mis à sa disposition. Entourée de coussins, elle savourait ce qui pour elle était une situation inédite – à l’exception de cette étrange nuit passée au Krak. Jusqu’à présent, elle avait surtout connu les selles de cheval ou de chameau, la dure pierre de l’académie du Maître des Milices, à Constantinople, ou la paillasse arrangée dans un coin du scriptorium de Saint-Pierre de Beauvais. Elle se souvenait encore du crissement des plumes courant sur les parchemins – la journée – et du trottinement effréné des souris, la nuit.
    — Comment te portes-tu, très chère enfant ? lui demanda Saladin en entrant.
    — Mieux que bien, répondit Cassiopée.
    Le sultan referma la porte derrière lui, et eut alors la surprise de constater que – par respect pour lui –, Cassiopée tendait la main vers un voile et s’apprêtait à s’en couvrir les cheveux.
    — Inutile, dit Saladin. Je te remercie pour cette attention, mais si tu veux vraiment me faire plaisir, contente-toi de guérir !
    — Merci, mon oncle.
    Elle reposa le voile sur la petite table à côté de son lit, tandis que Saladin lui demandait la permission de s’asseoir.
    — Tu ne m’avais pas dit que Morgennes était ton père, dit-il en agitant le doigt.
    — Je ne voulais pas vous faire de peine. Pardon de vous l’avoir caché.
    — Tu es toute pardonnée. Car si ton père était un mécréant, c’était aussi un chevalier comme les Franjis n’en auront jamais plus. Tu ne pouvais pas avoir de meilleur père. Sais-tu qu’il a lui-même été soigné ici, dans ce bimaristan, par mon propre médecin ? L’excellent docteur Ibn al-Waqqar…
    On frappa à la porte.
    — Qu’est-ce que c’est ? demanda Cassiopée.
    — Ce doit être Rufinus et Yahyah, répondit Saladin. Je leur avais demandé d’attendre un peu avant d’entrer.
    — Eh bien, qu’ils viennent ! s’écria Cassiopée.
    Yahyah fit donc son apparition, en tenant Rufinus dans ses mains.
    — Yahyah ! s’exclama Cassiopée. Je suis heureuse de te revoir. As-tu abouti dans ta quête ?
    — Hélas non, gente dame. J’ai échoué. Nous avons remué ciel et terre, interrogé de nombreux sages et encore plus de fous, mis sens dessus dessous je ne sais combien de montagnes et traversé plus de dix mille villes, villages, bourgs, hameaux et lieudits, en vain. L’Enfer s’est bel et bien éboulé sur Morgennes et Taqi – et sur les « Dix » aussi, je le crains.
    — C’est-à-dire ?
    — Des Dix, il n’y a plus que moi, répondit Yahyah piteusement.
    — Mon oncle, ce garçon a plus que démontré sa bravoure. Ne peut-on l’en récompenser ?
    Saladin caressa son fin bouc, et déclara :
    — Bien sûr que si. Je vais l’envoyer à Tyr, pour qu’il y consolide nos positions.
    — Merci, Excellence, dit Yahyah en s’inclinant.
    — Vous faites de Yahyah l’ennemi de mes amis, murmura Cassiopée.
    — Seulement celui de ces chiens de Franjis, rétorqua Saladin.
    Cassiopée prit les mains de son oncle et s’enquit :
    — Vous n’avez donc pas renoncé à vous emparer de Tyr ?
    Le sultan leva les yeux au ciel.
    — Malheureusement, si la plupart des Infidèles sont des imbéciles, ce Conrad de Montferrat a oublié de l’être. Il m’a offert une si belle résistance que j’ai provisoirement renoncé à prendre sa cité d’assaut.
    Cassiopée eut un demi-sourire, car cette nouvelle n’était pas forcément mauvaise pour elle.
    — Et maintenant ?
    — Comme je viens de le dire, je consolide mes positions.
    — En cherchant le moyen d’affaiblir celles de vos ennemis ?
    — Non, cela je ne le cherche plus. Je l’ai trouvé.
    — Qu’allez-vous faire ?
    Saladin sourit à sa nièce et l’embrassa tendrement sur le front.
    — Je t’aime trop pour te dire mes secrets. Je n’oublie pas que ton père était un Hospitalier, et que ta mère…
    — Se tient dans votre dos, dit une voix aussi reconnaissable qu’un nom, juste derrière Saladin.
    Lâchant les mains de Cassiopée, le sultan se releva et observa longuement sa cousine, Guyane de Saint-Pierre. Il cherchait en elle un trait, une expression, qui lui eût rappelé son oncle, Chirkouh le Volontaire. Comme souvent en ces cas-là, c’est dans les yeux qu’il les trouva. Le regard de Guyane de

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