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Crucifère

Crucifère

Titel: Crucifère Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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pouvait calmer.
    Non, en vérité, jamais Simon n’avait été aussi important pour Kunar Sell que Kunar Sell l’avait été pour lui.
    Il crispa le poing sur la poignée de son épée. Pourquoi Kunar avait-il changé de camp ? Pourquoi, après avoir été farouchement opposé à Morgennes, était-il devenu l’allié de sa fille ? Était-ce son séjour dans les geôles sarrasines qui lui avait tourné la tête ? Alors quoi ? L’avenir le lui apprendrait peut-être.
    — C’est ici, dit-il en écartant les bras. Installez-vous. Faites comme chez vous…
    — Et la charge ? Nous n’y participons pas ? s’enquit Emmanuel.
    — Il n’était pas prévu que vous y participiez, et le roi ne m’a point ordonné de vous y inviter. Mais si vous voulez venir, qui suis-je pour m’y opposer ?
    Cassiopée regarda la masse des crânes, chauves, chevelus, casqués, bosselés, mités, pansés, ensanglantés, qui s’étalait depuis la base du mont où elle se trouvait jusqu’à se perdre dans un brouillard mêlé de taches brunes. Crânes dont les propriétaires serraient qui une pique, qui une épée ou une masse d’armes. Crânes impatients de pousser ce cri : « En avant ! Pille ! Tue ! Dieu le veut ! Dieu le veut ! »
    Impatients ? Vraiment. On aurait dit des jarres, des têtes d’amphores – tant ils étaient immobiles. Pourquoi ne bougeaient-ils pas ? Peut-être, faute de place pour s’allonger, dormaient-ils debout ? Coincés entre Acre et les collines où Saladin avait établi son camp, des milliers de soldats, marins, fantassins, cavaliers forcés d’aller à pied, Francs, Bretons, Saxons, Pisans, Provençaux, Espagnols, Siciliens, Nordiques, étaient plantés ici, contraints de roupiller verticalement… Comme des arbres en plein hiver.
    Cassiopée, quant à elle, semblait revivre l’attente – à croire que sa quête n’était que cela, ne serait jamais que cela, ne pouvait être autre chose qu’une longue, très longue et terrifiante attente. Dans un port. Dans une ville. Dans un désert. Dans un campement. Et alors quoi ? La patience n’était-elle pas son point fort ? Et celui de Morgennes ? Comme lui, n’était-elle pas capable d’attendre que le ciel perde ses étoiles, que la mer se dessèche, que la terre se fendille ? « J’attendrai sans faillir, comme l’aube attend que le soleil vienne la caresser, la lune que la nuit vienne la révéler. J’attendrai, immobile, car j’ai confiance dans le monde. Je sais qu’au bout du temps je retrouverai mon père. »
    Son regard se perdit à l’horizon, dans la brume où volait l’oiselle.

56.
    « Ensemble, dans la poussière, ils se couchent, et la vermine les recouvre. »
    (JOB, XXI, 26.)
    Des chevaux. Oui, des chevaux. C’était là tout ce dont les chevaliers avaient besoin. Pour charger. Piétiner. Affoler. Effrayer. Embrocher. Étêter. Éventrer. Massacrer.
    Alors des fantassins allèrent leur en chercher. Où ? Chez les mahométans.
    Des mains se tendirent, avides, armées de dagues et d’épées, et tranchèrent les gorges des Sarrasins qui gardaient les enclos des montures. Puis ces mêmes mains, rouges de sang, guidèrent les bêtes jusqu’à leurs nouveaux maîtres : ces chevaliers dénaturés que la famine avait privés de destriers, et qui trouvaient bizarre de fouler la terre. Pieds impatients de sentir l’étrier, genoux avides d’enserrer le corps humide et chaud que leur maître montait, fesses affamées de selle, mains empoignant rênes et lance.
    Quand une centaine de cavaliers furent réunis, et que les Sarrasins – ayant repris courage – firent face aux Francs, les rangs des fantassins qui avaient réussi ce coup d’éclat se fendirent, laissant passer l’orage. Un tonnerre de cris et de hennissements retentit, accompagné par les clameurs des buccins, des trompettes et des tambours de guerre. Suivit un galop effréné, qui se métamorphosa en un déferlement de corps et de piétinements, de lances embrochant l’ennemi glapissant.
    « Ah ça, nous avions bien raison de ne pas nous entêter sur cette tour. Bien raison de ne pas nous entêter. Nous entêter… » Simon chargeait, mais n’était pas au combat. Et s’il voyait sa main guider sa lance au creux d’une poitrine, puis l’abandonner au profit de l’épée, il n’était pas là. Il pensait à Morgennes, à Cassiopée.
    « J’ai tout donné pour vous sauver ! »
    Que faisait Cassiopée ? Se servait-elle de

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