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Crucifère

Crucifère

Titel: Crucifère Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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atténuée par la satisfaction d’avoir sauvé Montferrat, qui lui était désormais redevable. Mais si Lusignan avait encore un camp, c’était grâce à Emmanuel et Cassiopée.
    — Je suppose que nous sommes quittes, dit Guy de Lusignan au marquis de Montferrat.
    — Non pas, répliqua Conrad. Vous m’avez sauvé la vie. C’est donc moi qui suis votre débiteur.
    Lusignan hocha la tête, doucement, comme s’il prenait la mesure de la grandeur d’âme de celui que presque tous, ici, appelaient le « petit marquis ».
    Simon arriva à son tour, furieux que personne ne l’ait écouté sur le champ de bataille quand il avait crié de ralentir l’allure pour attendre la piétaille.
    « Est-ce la peine que d’Oultremer des renforts se portent à notre secours, par dizaines de milliers, si c’est pour se soucier d’eux aussi peu que des moutons d’écume ? À quoi sert-il que des hommes croient en Dieu et viennent ici donner leur vie pour racheter le Saint-Sépulcre, si l’on se fiche de leur sacrifice ? »
    C’est alors qu’un aide de camp se présenta à la tente du roi, annonçant :
    — Majesté ! L’aile droite de Saladin ayant été repoussée, nos troupes ont réussi à s’emparer des terrains qu’elle occupait autrefois, au pied d’Acre…
    Cela voulait dire que désormais la ville était entièrement entourée par les Francs ! Fini, les promenades de Saladin sur les remparts d’Acre et ses regards amusés jetés de haut sur les chrétiens. Rufinus repensa aux étés qu’il avait passés à savourer la douceur du soir, quand il était évêque de la cité. Connaîtrait-il encore un jour la joie de sentir une brise lui caresser le corps ? « Peut-être, oooui. Peut-êêêtre… »
    Malgré leur incapacité à porter leur victoire à son terme, les Francs reprenaient espoir. Ils entouraient entièrement Acre, sur terre comme sur mer. Saladin ayant déplacé son camp, les chrétiens avaient plus de place.
    Malheureusement, cet espace était essentiellement occupé par des cadavres.
    Saladin avait donné l’ordre de jeter les corps des soldats morts au combat dans le Na’mân, que les Franjis appelaient le « Fleuve doux », et qui prenait pour eux des allures de fleuve infernal, avec son chargement pestilentiel. Les maladies s’abattirent sur les chrétiens, qui ne savaient plus où étancher leur soif sans croiser le regard vitreux d’un ancien compagnon, ou plutôt son absence de regard.
    Les Sarrasins eux-mêmes furent victimes des poisons que les morts charriaient et Saladin, atteint de dysenterie, dut regagner Damas en toute hâte, pour s’y faire soigner.
    D’ailleurs, l’hiver approchait. Les musulmans commençaient à trouver le temps long. Car s’il est doux de quitter le foyer pour aller guerroyer, il est plus doux encore de le retrouver après avoir guerroyé. Les hommes se languissaient de leurs femmes, de leurs enfants. Certains se demandaient si tel petit, qu’ils avaient quitté ne sachant pas marcher, savait maintenant se tenir sur ses jambes. Et l’aînée ? Le temps de la marier n’était-il pas venu ?
    Ainsi, l’armée de Saladin forte au début de l’été d’une centaine de milliers d’hommes, n’en comptait plus qu’une vingtaine vers la fin de l’automne. Les chrétiens, de leur côté, avaient vu leurs rangs se grossir de nouveaux renforts. Des navires arrivaient quasiment tous les jours, arrachant aux guetteurs ces cris : « Le roi Richard d’Angleterre ! », « Sa Majesté Philippe de France ! ».
    Mais ce n’était jamais eux. C’étaient d’autres Danois, d’autres Frisons, d’autres Provençaux, Flamands ou Italiens. Vint un matin, enfin, où une nef arriva de Tyr. Elle n’apportait point de renforts, mais des nouvelles. Un artisan se précipita vers la tente de Conrad de Montferrat, et lui remit un pli. Aussitôt après l’avoir lu, Conrad partit chercher Cassiopée – en se guidant sur son oiselle.
    L’ayant trouvée les bras passés autour des genoux, en train de deviser avec Kunar Sell et Emmanuel au beau milieu d’un paysage auquel des piles de morts tenaient lieu de collines, il lui dit :
    — Les juifs ont terminé l’armure !

BAB EL-MANDEB

57.
    « Me joindre à toi m’est impossible ; vivre sans toi, le temps d’un souffle
    Impossible aussi. Le courage de confier à qui que ce soit
    Mes tourments, je ne puis l’avoir. Je suis une douleur étrange
    Ô vertige, déséquilibre, délices et

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