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Crucifère

Crucifère

Titel: Crucifère Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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cet étrange conflit où les ennemis se fuyaient. Quand les cavaliers de Saladin descendaient de leurs collines pour assaillir les croisés, ceux-ci refusaient le combat, se caparaçonnant derrière leurs tranchées. Et quand les Francs trouvaient la force d’effectuer une sortie, c’étaient les Sarrasins qui ne répondaient pas à leur provocation, les laissant s’attaquer à quelques escouades situées à l’avant-garde.
    Où donc étaient les vastes étendues d’herbe ou de sable, et les charges des fiers chevaliers francs ? Où donc étaient les vaillants archers arabes, montés sur leurs chevaux, et qui harcelaient comme des taons les flancs des combattants chrétiens ?
    La boue, l’ennui et les maladies les avaient anéantis. Au point que, se demandant pourquoi ils guerroyaient, certains aidaient l’ennemi à retourner chez lui : « Ne me tue pas, je ne te tuerai point. Rentre chez toi, je ferai de même. »
    Cassiopée et Simon marchèrent un certain temps sans parler. Ils ne savaient quoi se dire. Ne savaient pas non plus s’il fallait qu’ils se parlent. Parfois, Simon ralentissait l’allure, tâchant d’entendre le cliquetis des pas de Cassiopée derrière lui, le frottement de Crucifère sur sa cotte de mailles. Mais les bruits qu’elle faisait se mêlaient à ceux d’une dispute non loin d’eux, d’une partie de dés, ou de Dieu sait quoi – des hommes jurant contre Dieu, des hommes aimant des femmes, des hommes ou des outres de vin.
    Tout était d’un marron et d’un gris à pleurer, et quand Simon s’essuyait la figure, il ne faisait qu’ajouter de la terre à celle qui maculait son front. Bien que debout, il était à demi enterré.
    — Nous allons tenter une charge, dit-il sans se retourner.
    Arrivé au sommet d’un monticule de terre – en fait, un amoncellement de corps jetés pêle-mêle les uns sur les autres –, il tendit le bras vers l’est. Peut-être aurait-il dû y avoir un soleil ? On ne voyait qu’un large bandeau de fumée noire, qui obstruait l’horizon.
    — Par là.
    Cassiopée tourna son regard vers la zone qu’indiquait Simon, et repéra son oiselle.
    — Qu’est-ce que c’est ? Au-dessus de quoi vole-t-elle ?
    Simon hésita un instant. Il ne savait s’il devait faire de sa réponse un enjeu quelconque, lui donner plus de force qu’elle n’était supposée en avoir. Alors il dit :
    — Le Diable en personne. Ton oncle. Saladin.
    Cassiopée haussa les épaules, comme pour conjurer le sort.
    — Et Acre ? Vous ne l’attaquez plus ?
    — C’est à cause de cette tour, répondit Simon en se tournant vers le nord-ouest du camp.
    Désignant une masse émergeant de la brume, il poursuivit :
    — C’est la Tour maudite… Du moins est-ce ainsi que nous l’appelons. Nos adversaires, ces chiens de musulmans, l’ont baptisée « Tour des Combats ». Mais elle est…
    — Imprenable ?
    — Nous nous y sommes cassé les dents à plusieurs reprises. J’ai moi-même échoué à la faire s’écrouler.
    — Mais pas à tuer tes propres hommes, siffla Kunar Sell.
    Les deux hommes se détestaient. Ils se connaissaient bien, pourtant. Peut-être ceci expliquait-il cela. Autrefois, ils avaient été amis – du temps où ils servaient dans les Templiers blancs. Quoi que veuille dire l’amitié entre gens uniquement préoccupés de guerroyer. Mettons qu’ils se faisaient mutuellement confiance pour se garder leurs flancs, se protéger l’un l’autre. « Kunar Sell est là, sur ma gauche. Rien à craindre de ce côté-là. » Combien de fois Simon avait-il pensé cela ? Une dizaine, peut-être… Mais, ce qui était sûr aussi, c’est que jamais Kunar Sell ne s’était dit : « Simon à ma droite, je n’ai rien à craindre. » Et cela, Simon le savait. Pour Kunar Sell – à l’époque du moins –, il n’y avait pas d’alliés. Seuls existaient sa lourde hache danoise et l’ennemi à trancher. Qui protégeait Kunar Sell ? Kunar Sell lui-même. Et Dieu – un peu.
    Personne n’avait jamais compté pour celui que les Templiers blancs avaient surnommé le « diable à la hache », ou le « diable nordique ». Quand il donnait des coups de hache, fauchant ses rivaux comme un paysan sa récolte, des flammes s’allumaient dans ses yeux, ses narines s’élargissaient, et son souffle emplissait bruyamment l’atmosphère – un brasier dévorant, un taureau furieux que rien, sinon l’éradication de l’adversaire, ne

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