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Crucifère

Crucifère

Titel: Crucifère Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
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qu’occupaient les chrétiens, la place commençait à manquer cruellement. Il fallait s’entasser. Et les secours continuaient d’arriver, de plus en plus nombreux. Car si les rois tardaient, les marquis et les comtes, les ducs, les princes et tout ce qui portait un titre se hâtaient de venir en Terre sainte. Fin septembre, ce fut au tour des Italiens et des Allemands de l’archevêque Gérard de Ravenne, de l’évêque Adelard de Vérone, du landgrave Louis de Thuringe et du comte Othon de Gueldre de s’ajouter aux nombreuses troupes déjà présentes.
    L’Europe se pressait sur un morceau de terre à peine plus grand que Paris. Alors, ce qu’on ne put gagner horizontalement, on le gagna verticalement. Des sapeurs creusèrent des galeries, où ils forèrent des niches – comme dans les catacombes. Au début, il y avait plus de vivants que de morts, puis les morts l’emportèrent. Des cadavres servaient à consolider les murs. D’autres renforts arrivèrent – et il y eut de nouveau plus de vivants que de morts. Mais moins de nourriture pour les sustenter. Le nombre de morts remonta. On crut que c’était la fin, le moment où les rats gagneraient.
    C’est alors que Conrad de Montferrat décida de prêter main-forte aux braves – ou aux fous – partis assaillir Acre et les armées de Saladin.
    — Mon oncle nous a laissés passer, répondit Cassiopée. Quant à Rufinus…
    — Je ne peux pas mouriiir, termina l’évêque d’Acre à sa place.
    Simon observa Cassiopée. Depuis sa rencontre avec la voix dans les flammes, elle était la première à échapper au terrifiant linceul de feu dont son regard vêtait désormais toute chose.
    — Es-tu venue pour nous trahir, et informer ton oncle de l’état de nos armées ?
    — Votre état ? Tu crois qu’il l’ignore ? N’oublie pas que, jour et nuit, des observateurs vous guettent depuis les sommets de trois collines. Rien ne lui échappe. Il en sait plus que Sa Majesté – ici présente –, qui n’a pour l’informer qu’une poignée de messagers, réduits à se traîner à pied faute de chevaux.
    — Nous avons dû les manger…
    Simon fixa Crucifère du regard. Soudain, la main de Cassiopée se posa sur son pommeau, et la lueur bleutée disparut. Sentant ses jambes trembler sous lui, Simon demanda à son roi :
    — Quels sont vos ordres, Majesté ?
    — Tu les escorteras jusqu’à leur position, répondit Lusignan. Ensuite, tu rejoindras les lignes musulmanes, et tu leur transmettras ce message : « Nous, Guy de Lusignan, roi de Jérusalem, remercions le noble Saladin pour sa générosité. Nous prierons pour que son âme ne séjourne point trop en Enfer et lui disons ceci : Non, nous n’avons point trahi notre serment. Car nous avions promis de traverser la mer, ce que nous avons fait en nous établissant sur l’îlot de Ruâd après avoir quitté Tortose. Enfin, nous respectons notre promesse de ne plus ceindre l’épée, car notre épée est suspendue à la selle de notre cheval, et non à notre ceinture. Nous ne nous battons point avec elle, mais avec une masse… »
    Simon eut un sourire amusé, tandis que Cassiopée, Emmanuel et Kunar Sell ne montraient rien de leurs sentiments, même s’ils voyaient dans cette rhétorique tout ce qui faisait de Lusignan un personnage peu estimable – mais qui tentait désespérément de se racheter, et de se faire pardonner la débâcle de Hattin, la perte de la Vraie Croix, la chute de Jérusalem.
    Jusqu’alors, ses manigances lui avaient toujours permis de se tirer d’affaire. Une sorte de tristesse servait maintenant de masque à son visage – masque qu’il aurait été bien en peine de retirer. Se rendait-il compte du drame qu’il avait causé ? Hélas, il continuait de se considérer comme un roi, et pensait : « Si j’ai fauté, c’est parce que Dieu l’a voulu. »

55.
    « Enfin, c’est ici-bas que la vie des sots devient un véritable enfer. »
    (LUCRÈCE,
    De natura rerum.)
    Simon menait la marche, conduisant Cassiopée et ses amis sous un plafond de nuages orageux, si bas que lorsqu’une pierre de catapulte le traversait, des éclairs crépitaient furieusement. Francs, Sarrasins assiégés dans Acre ou faisant partie de l’armée de secours, tous avaient droit à leurs lots d’éclairs et de rochers tombés du ciel, qui tuaient chaque jour une dizaine de braves. C’étaient d’ailleurs à peu près, depuis le début de septembre, les seules victimes de

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