Crucifère
regrouper.
Pendant ce temps-là, Cassiopée, Kunar Sell et Emmanuel – fort opportunément restés en retrait – protégeaient le camp de Lusignan ; tandis que les Templiers formaient avec leurs boucliers un mur défensif, véritable rempart de fer, qu’ils opposaient courageusement à la contre-offensive musulmane.
Saladin, après avoir rallié son aile droite en déroute, avait opéré une habile manœuvre destinée à prendre les Franjis en étau entre Acre et ses propres troupes. Son aile gauche, demeurée intacte, se porta contre la piétaille que les chevaliers francs – trop impatients de se saisir des richesses de son camp – avaient laissée loin derrière eux. Les piquiers, les arbalétriers, ceux qui n’avaient pour se battre qu’un poignard ou une épée courte, virent fondre sur eux plusieurs milliers de musulmans ivres de joie, qui les arrosèrent de flèches avant de les terminer au cimeterre.
Conrad de Montferrat, qui ne s’était pas déplacé jusqu’à Acre pour y mourir, se joignit aux efforts désespérés des Templiers pour contenir la charge des Infidèles, et combattit au côté de Guy de Lusignan.
Un mamelouk muni d’un fléau d’armes donnait bien du fil à retordre au marquis de Montferrat. Le gigantesque fléau, où des bouts de chair étaient restés collés, vrombissait dans l’air avec un bruit d’essaim.
Conrad para un premier coup avec son bouclier, qui fut fendu en deux par le choc. Se débarrassant des débris, il opposa au second coup sa propre épée, mais elle fut arrachée à son poing par la fureur du mamelouk. Désormais, entre sa tête et le fléau il n’y avait plus que le vide. Conrad s’apprêtait à mourir aussi dignement que possible, lorsque le bras du mamelouk voltigea dans les airs. Du sang gicla sur la poitrine de Conrad, tandis que Guy de Lusignan parachevait ce qu’il avait commencé en plantant son épée dans le cœur du mamelouk. Stupéfait, peut-être, que le ciel ne comporte pas autant de houris que le Prophète l’avait promis, le mamelouk mourut avec une expression de terreur dans les yeux.
Grâce aux efforts réunis de Conrad de Montferrat, de Guy de Lusignan et des moines soldats, le flot de troupes que Saladin avait renvoyées au combat fut endigué. Au centre du camp des chrétiens, Emmanuel et Cassiopée avaient empêché le pavillon royal de tomber aux mains des habitants d’Acre. Mieux, sous la violence de leur contre-offensive, les habitants d’Acre se hâtèrent de réintégrer leur cité.
Kunar Sell, par respect pour la promesse qu’il avait faite aux musulmans, s’était efforcé de rester à l’écart des combats. Ayant décidé de rallier les parages de la tente royale, il y surprit un mystérieux Chevalier Vert accompagné d’un ours gigantesque et d’un horrible nain – en grande conversation avec Rufinus.
— D’accooord ! D’accooord ! D’accooord ! mugissait ce dernier.
— De quoi parlez-vous ? s’enquit Kunar Sell.
— De rien, beau doux sire, répondit le nabot.
Et il sortit de la tente, avec le Chevalier Vert.
— Eh bien ? demanda Kunar Sell à Rufinus.
— Rien. Enfin si, on a gaaagné ? Nooon ?
— Il s’en est fallu de peu.
En effet, cette étonnante journée – glorieuse le matin pour les Francs, l’après-midi pour les Sarrasins – se terminait par un gain de quelques arpents de terrain pour les chrétiens.
Tandis que la retraite sonnait chez les Francs, et que les troupes musulmanes s’épuisaient à percer la blanche et rouge muraille que les Templiers opposaient à leurs coups, Saladin appela à cesser le combat. Et donna l’ordre de déplacer son camp vers l’est, de Tell Keisân à Tell Kharrûba.
La rage manqua l’étouffer, mais il trouva dans la capture de Gérard de Ridefort – ancien grand maître du Temple – de quoi soulager sa colère. Il le massacra de sa propre main, sans même lui proposer d’abjurer. Un tel chien se serait certainement empressé de se convertir à l’islam, pour se parjurer ensuite – comme si de rien n’était.
« En vérité, se dit Saladin, il n’y a que Morgennes pour prononcer la shahada et se conformer aux préceptes de l’islam… »
Retranchés derrière de puissantes défenses – pieux taillés en pointe, fosses au fond tapissé de piques –, Cassiopée et Emmanuel tinrent le camp jusqu’au retour de Guy de Lusignan et de Conrad.
La peine qu’éprouva le roi lorsqu’on lui apporta la tête de Ridefort fut
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