Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Crucifère

Crucifère

Titel: Crucifère Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: David Camus
Vom Netzwerk:
Anglorum.)
    Cassiopée n’était pas rassurée. La façon dont Simon avait jeté la pierre du haut du tertre, la veille au soir, était encore un signe – signe qu’il perdait la raison. « Et si je partais sans lui ? Dans cette nuit si noire, jamais il ne me retrouverait. Mais non, c’est impossible. En plus, il porte Rufinus… » Elle regarda Simon, qui avait au jour près le même âge qu’elle, et le trouva bien jeune. Trop jeune pour être abandonné.
    « Son père est mort, ses frères aussi. Il n’a jamais connu sa mère, et il voudrait fonder une famille. D’une certaine manière, je le comprends. Je compatis. Mais son attitude m’horripile. »
    Du plus loin qu’elle se souvenait, elle avait toujours fait plus que son âge. Les mauvaises langues lui prêtaient des pensées qu’elle n’avait jamais eues, des actes qu’elle n’avait jamais accomplis. Mais ces mêmes mauvaises langues n’auraient pu imaginer tout ce qu’elle avait fait, de son enfance à Saint-Pierre de Beauvais jusqu’à Constantinople – où elle s’était pliée aux règles les plus strictes.
    Se remémorant les milliers d’heures passées à l’académie du mégaduc Coloman, le Maître des Milices de Constantinople, elle eut un vague sourire. « Une enfance sans père, avec un géant et un litterato comme parrains, et une adolescence solitaire, passée à s’entraîner au milieu de mercenaires… Mais pourquoi, grands dieux, ma mère m’a-t-elle envoyée là-bas, chez Coloman ? » Elle se l’expliquait d’autant moins que, d’après ce qu’elle avait compris, l’académie du Maître des Milices était réservée aux hommes. « Alors, pourquoi m’accepter, moi ? » Elle donna un coup de pied dans le feu qu’ils avaient allumé pour la nuit, enterrant les braises sous les cendres. Le feu commença de mourir, puis s’éteignit tout à fait, lâchant un nuage de poussière en guise d’ultime râle.
    — Assez traîné, dit Cassiopée.
    Ils reprirent leur marche, s’inquiétant de la quantité de nourriture qu’il leur restait, se demandant ce qu’ils allaient manger, si la douleur qu’ils avaient dans les jambes allait se calmer, lorsqu’ils entendirent des aboiements. Dans le lointain, des chiens jappaient.
    — Toi qui voulais un Cerbère, dit Cassiopée, tu vas peut-être le rencontrer.
    Simon porta la main au côté, touchant la poignée de son épée.
    — J’ai de quoi le mater.
    Ils avancèrent au milieu de pyramides de crânes qui leur arrivaient à la taille, puis distinguèrent en vue d’un blanc collier de tentes rondes. On aurait dit les yeux globuleux d’une étrange créature enterrée dans le sable. Elle poussait des jappements suraigus, dont ils perçurent bientôt l’origine. D’immenses dogues, mastiffs au poil gris, se disputaient un cadavre – qu’ils réduisaient en morceaux. Un chien tirait sur un bras, un autre attaquait la poitrine, tandis qu’un troisième déchiquetait une jambe.
    La main de Simon se crispa sur la poignée de son épée.
    — Du calme, dit Cassiopée.
    Comme ils approchaient des tentes, des hommes en sortirent. Les yeux bridés, le cheveu noir et la peau jaune, ils les regardaient d’un air goguenard en échangeant des plaisanteries dans une langue inconnue. Simon s’en offusqua. Mais les Tartares – si c’étaient eux – se contentèrent de mâchonner le brin d’herbe qu’ils s’étaient mis entre les dents, et ne lui accordèrent pas le plaisir de se battre.
    — Sont-ce là des démons ? s’interrogea Simon à haute voix.
    Cassiopée ne fit aucun commentaire, mais Rufinus demanda :
    — Sortez-moi un peu du saaac, que je puisse voir, moi aussiii…
    Sur des feux de brindilles grillaient des brochettes – peut-être de cheval. Pour leur donner plus de goût, les Tartares – si tel était le nom de ces démons – les arrosaient de vin. S’il en restait, ils le buvaient en s’esclaffant. Ailleurs, c’étaient des côtelettes, qu’ils faisaient rôtir sur des grils posés sur des feux à demi enterrés. Cette abondance de viande fit saliver Simon et Cassiopée.
    Apparemment, les Tartares faisaient grand cas de leurs chevaux. Ils se régalaient de leur chair et se confectionnaient des vêtements avec leur peau : sortes de tuniques à manches très larges, grossièrement coupées, fermées sur le devant par des boutons de corne, si longues qu’elles traînaient par terre. Les sabots seraient probablement taillés pour être

Weitere Kostenlose Bücher