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Dans le jardin de la bête

Dans le jardin de la bête

Titel: Dans le jardin de la bête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erik LARSON
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nationale-socialiste. Elle admettait que Boris était un fidèle communiste, mais s’il l’influençait sur le plan politique, selon elle, c’était uniquement « du fait de son magnétisme et de sa simplicité  3 , et de l’amour de son pays ». Elle avouait être tenaillée par une ambivalence « À son égard, concernant ses croyances, le système politique de son pays, notre avenir commun ». Elle tenait à faire ce voyage sans lui.
    Elle voulait découvrir le plus possible de la Russie et n’écouta pas ses conseils de s’en tenir à quelques grandes villes. Il voulait qu’elle acquière une compréhension approfondie de sa patrie, et non pas la vision superficielle d’une touriste. Il admettait aussi que voyager dans son pays n’était pas aussi rapide et confortable qu’en Europe occidentale, et que les petites et grandes villes russes ne possédaient pas le charme instantané des villages pittoresques d’Allemagne ou de France. De fait, l’Union soviétique était tout sauf le paradis des prolétaires que beaucoup d’étrangers progressistes imaginaient. Sous Staline, les paysans avaient été contraints  4  de former de vastes coopératives. Beaucoup résistèrent et on estime que cinq millions de gens – hommes, femmes et enfants – ont tout simplement disparu, beaucoup ayant été expédiés dans des camps de travail lointains. Les logements étaient primitifs, les biens de consommation à peu près inexistants. L’Ukraine était ravagée par la famine. L’élevage subissait un déclin spectaculaire. De 1929 à 1933, le nombre total de têtes de bétail passa de 69,1 millions à 38,6 millions ; pour les chevaux, de 34 millions à 16,6 millions. Boris savait très bien que, pour un simple visiteur, le spectacle du pays et de la société, et surtout l’apparence terne des ouvriers russes sembleraient peu captivants, surtout si le voyageur se trouvait épuisé par un voyage difficile et la présence incontournable d’un guide de l’Intourist.
    Néanmoins, Martha choisit le circuit n° 9, Volga-Caucase-Crimée  5 , devant commencer le 6 juillet par un vol – pour elle, son baptême de l’air – de Berlin à Leningrad. Après deux jours à Leningrad, elle prendrait le train pour Moscou, y passerait quatre jours, puis emprunterait le train de nuit pour Gorki et, deux heures après son arrivée à dix heures quatre, elle devait prendre un bateau à vapeur sur la Volga pour une croisière de quatre jours avec escale à Kazan, Samara, Saratov et Stalingrad, où elle ferait la visite obligatoire d’une usine de tracteurs. De Stalingrad, un train l’emmènerait à Rostov-sur-le-Don, où elle aurait l’option de visiter une ferme d’État, avec un soupçon de capitalisme, car la visite de la ferme exigeait un « supplément ». Après quoi, Ordjonikidze, Tiflis, Batoumi, Yalta, Sébastopol, Odessa, Kiev et, pour finir, elle retournerait à Berlin par le train, où elle devait arriver le 7 août, au trente-troisième jour de son voyage, à – vision optimiste – dix-neuf heures vingt-deux précises.
    Ses rapports avec Boris continuaient de s’approfondir, même avec les furieuses oscillations habituelles entre la passion et la colère, et l’habituelle cascade de missives implorantes et de fleurs fraîches qu’il lui adressait. À un moment donné, elle lui renvoya les trois singes en céramique. Il les lui retourna.
    « Martha ! écrivait-il  6 , cédant à sa passion pour le point d’exclamation :
    « Je te remercie pour tes lettres et pour ta “non-amnésie”. Tes trois singes ont grandi (ils sont devenus adultes) et veulent rester avec toi. Je te les renvoie. Je dois te le dire franchement : ces trois singes meurent d’envie de te voir. Et pas seulement les trois singes ; je connais un autre beau jeune homme blond (aryen ! !) qui meurt d’être avec toi. Ce beau gosse (pas plus de trente ans)… c’est moi.
    « Martha ! Je veux te voir, il faut que je te dise que je n’ai absolument pas oublié mon adorable charmante petite Martha !
    « Je t’aime, Martha ! Que dois-je faire pour augmenter ta confiance ?
    « Fidèlement, Boris. »
    À n’importe quelle époque, leurs relations auraient certainement attiré l’attention mais, en ce mois de juin à Berlin, tout prenait une gravité accrue. Tout le monde observait tout le monde. À l’époque, Martha accordait peu d’intérêt à l’opinion des autres,

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