Dans le jardin de la bête
sait comme elle qu’elle ne veut rien avoir à faire avec lui. » Quand Dodd vit la photographie, dit-elle, « il était mort de rire ».
Göring aussi semblait être d’un naturel relativement affable, du moins comparé à Hitler. Sigrid Schultz le trouvait le plus supportable des caciques du Parti parce que, au moins, « on avait l’impression de pouvoir se tenir 22 dans la même pièce que cet homme », alors que Hitler, disait-elle, « me retournait plutôt l’estomac ». Un des fonctionnaires de l’ambassade des États-Unis, John C. White, déclara des années plus tard : « J’ai toujours eu une assez bonne impression 23 de Göring… S’il était possible de trouver un nazi sympathique, je suppose que ce serait lui. »
À ce stade précoce, les diplomates et d’autres avaient du mal à prendre Göring au sérieux. Il apparaissait comme un petit garçon gigantesque, encore qu’extrêmement dangereux, qui adorait concevoir et porter de nouveaux uniformes. Sa grande taille en faisait un objet de plaisanteries, même si ces plaisanteries s’échangeaient hors de portée de son oreille.
Un soir, l’ambassadeur Dodd et sa femme se rendirent à un concert à l’ambassade d’Italie, auquel Göring assistait également. Dans un ample uniforme blanc de sa propre conception, il paraissait particulièrement massif – « trois fois la taille 24 d’un homme ordinaire », d’après Martha qui rapporte l’anecdote. Les chaises préparées pour le concert étaient des meubles anciens, minuscules et dorés, qui semblaient infiniment trop fragiles pour Göring. Avec fascination et une certaine dose d’inquiétude, Mme Dodd observa Göring choisir la chaise située juste devant elle. Elle se sentit brusquement paralysée quand Göring tenta de caler son postérieur « en forme de cœur » sur la petite chaise. Durant tout le concert, elle craignit à tout moment de voir la chaise s’effondrer et la masse de Göring atterrir sur ses genoux. « Elle fut tellement distraite par la vision de ces flancs monumentaux roulant sur les côtés et débordant de la chaise, si périlleusement proches, qu’elle ne put se rappeler un seul des morceaux du programme. »
Le grand reproche que Dodd adressait aux réceptions que donnaient les autres ambassades concernait l’argent gaspillé, même par les pays ravagés par la dépression.
« Pour illustrer cela 25 , écrit-il au secrétaire Hull, hier au soir nous sommes allés à vingt heures trente dîner dans la demeure de cinquante-trois pièces du ministre belge (dont le pays est censé être incapable de remplir ses engagements légaux). » Deux domestiques en livrée accueillirent son automobile. « Quatre laquais se tenaient debout sur les marches, vêtus dans le style des domestiques de Louis XIV. Trois autres domestiques en haut-de-chausses nous débarrassèrent de nos manteaux. Vingt-neuf personnes étaient assises dans une salle à manger meublée de façon plus luxueuse que n’importe quelle pièce que j’aie visitée à la Maison-Blanche. Huit services furent apportés par quatre serveurs en uniforme sur des plats et des plateaux en argent. Il y avait trois verres de vin pour chaque plat et, quand nous nous levâmes, je remarquai que beaucoup de verres restaient à moitié pleins, ce qui était un gâchis. Les convives étaient plutôt sympathiques, mais il n’y eut aucune conversation de quelque intérêt de mon côté de la table (comme je l’ai également constaté à tous les autres grands dîners)… Pas plus qu’il n’y eut de conversation sérieuse, instructive ou simplement spirituelle après le dîner. » Martha y assistait également et rapporta que « toutes les femmes étaient couvertes de diamants et autres pierres précieuses – je n’avais jamais vu un étalage aussi somptueux de richesses ». Elle nota également que, lorsqu’elle et ses parents partirent à vingt-deux heures trente, cela provoqua un mini-scandale. « Il y eut beaucoup de haussements de sourcils raffinés, mais nous avons bravé la tempête et sommes rentrés chez nous. » Cela ne se faisait pas, découvrit-elle plus tard, de quitter une réception diplomatique avant vingt-trois heures.
Dodd fut outré d’apprendre que ses prédécesseurs à Berlin, dotés d’une solide fortune personnelle, avaient dépensé jusqu’à cent mille dollars par an en réceptions, plus de cinq fois la totalité du traitement
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