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Dans le jardin de la bête

Dans le jardin de la bête

Titel: Dans le jardin de la bête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erik LARSON
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sa compagne roulèrent jusqu’à Potsdam, puis au sud vers la frontière, où ils laissèrent la voiture dans un garage. Diels avait un faux passeport. Ils franchirent la frontière tchécoslovaque et se rendirent à Karlsbad, une station thermale où ils descendirent à l’hôtel. Diels avait également emporté avec lui ses dossiers les plus sensibles, comme garantie.
    « Depuis sa retraite en Bohême  2 , écrit Hans Gisevius, le mémorialiste de la Gestapo, il menaça de faire des révélations embarrassantes et plaça la barre très haut pour le prix de son silence. »
     
    Après le départ de Diels, de nombreux membres du cercle d’amis grandissant de Martha se sentirent sans doute un peu plus à l’aise, surtout ceux qui entretenaient de la sympathie pour les communistes ou pleuraient les libertés perdues de la république de Weimar. Sa vie mondaine continua à s’épanouir.
    De tous ses nouveaux amis, celle qui la fascinait le plus était Mildred Fish Harnack, qu’elle avait d’abord rencontrée sur le quai de la gare lors de son arrivée à Berlin. Mildred parlait un allemand impeccable et, au dire de tous, était une vraie beauté, grande et mince, avec de longs cheveux blonds qui formaient un lourd chignon, et de grands yeux bleus sérieux. Elle refusait tout maquillage. Plus tard, quand un de ses secrets fut mis au jour, son portrait apparut dans les dossiers des services secrets soviétiques, la représentant comme « une authentique Allemande  3 , le parfait type nordique, et très utile ».
    Elle se distinguait non seulement par son allure, nota Martha, mais aussi par ses manières. « Elle parlait lentement  4  et donnait soigneusement son avis, écrit Martha. Elle écoutait en silence, soupesait et évaluait les mots, les idées et les motivations dans la conversation… Ses paroles étaient réfléchies, parfois ambiguës, quand il fallait sonder les gens. »
    Cette capacité à analyser les motifs et les attitudes des autres était devenue particulièrement importante, étant donné la façon dont son mari, Arvid Harnack, et elle avaient passé les dernières années. Ils s’étaient rencontrés en 1926 à l’université du Wisconsin, où Mildred était assistante. Mariés en août, ils étaient partis pour l’Allemagne et avaient finalement opté pour Berlin où ils s’étaient établis. Ils avaient tous manifesté un talent pour rassembler les gens. Où qu’ils vivent, ils formaient un salon qui se réunissait à intervalles réguliers pour des repas, des discussions, des conférences et même des lectures de groupe de pièces de Shakespeare, ce qui renvoyait à un célèbre cercle dont ils faisaient partie dans le Wisconsin, les Friday Niters, fondé par John R. Commons, un professeur d’économie et éminent progressiste qui serait bientôt connu aux États-Unis comme le « père spirituel » de l’aide sociale.
    À Berlin, durant l’hiver de 1930-1931, Arvid fonda un nouveau groupe, consacré cette fois à l’étude de l’économie planifiée de la Russie soviétique. Tandis que le parti nazi gagnait de l’influence, ce domaine d’intérêt devenait franchement problématique, mais il organisa malgré tout un voyage en Union soviétique pour une vingtaine d’économistes et d’ingénieurs allemands. Pendant ce séjour, il fut contacté  5  par les services secrets soviétiques pour travailler secrètement contre les nazis. Il accepta.
    Avec l’accession d’Hitler au pouvoir, Arvid fut contraint de dissoudre son groupe d’économie planifiée. Le climat politique était devenu détestable. Mildred et lui se retirèrent à la campagne, où Mildred passait son temps à écrire et Arvid prit un emploi de juriste pour la compagnie aérienne Lufthansa. Quand la première flambée de terreur anticommuniste se fut calmée, les Harnack regagnèrent leur appartement à Berlin. Curieusement, étant donné ses antécédents, Arvid se fit engager au ministère de l’Économie et gravit rapidement les échelons, ce qui amena certains amis de Mildred aux États-Unis à penser qu’elle et son mari étaient « devenus nazis »  6 .
    Au départ, Martha ne sut rien de la vie clandestine d’Arvid. Elle aimait aller voir le couple dans son appartement, qui était clair et confortable, nimbé de nuances apaisantes, « des bruns clairs, des bleus doux  7  et des verts ». Mildred remplissait de grands vases de cosmos bleu lavande qu’elle plaçait devant

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