Dans le jardin de la bête
États allemands. Mais Heinrich Himmler, à la tête des SS, avait mis rapidement la main sur les services de la police secrète dans tout le reste de l’Allemagne. Göring et Himmler se haïssaient et se disputaient le terrain.
Diels ne perdit pas de temps. Il appela un ami responsable du poste de Tiergarten pour la police de Berlin et rassembla un groupe de policiers en uniforme équipés de mitrailleuses et de grenades. Il les conduisit devant le bastion des SS dans Potsdamer Strasse et donna l’ordre aux hommes d’entourer le bâtiment. Les SS qui gardaient la porte ignoraient ce qui s’était produit et conduisirent avec obligeance Diels et un contingent de police jusqu’au bureau de Packebusch.
La surprise fut totale. Quand Diels entra, il vit Packebusch en manches de chemise à son bureau, la veste noire de son uniforme pendue au mur, avec son ceinturon et le pistolet dans son étui. « Il était assis, plongé dans les papiers sur son bureau comme un écolier travaillant à une heure tardive », écrit Diels. Celui-ci fut outré. « C’étaient mes documents qu’il avait devant lui et qu’il défigurait, comme je le découvris bientôt, de ses annotations ineptes. » Packebusch voyait le mal jusque dans la façon dont Diels et sa femme décoraient leur appartement. Packebusch avait griffonné cette note : « Meublé dans le style Stresemann », faisant allusion au défunt Gustav Stresemann, un adversaire d’Hitler du temps de la république de Weimar.
« Vous êtes en état d’arrestation », annonça Diels.
Packebusch leva brusquement les yeux. Alors qu’il était occupé à lire les documents personnels de Diels, soudain, ce dernier se matérialisait devant lui. « Packebusch n’eut pas le temps de se remettre de sa surprise, raconte Diels. Il me dévisagea comme si j’étais une apparition. »
Les hommes de Diels s’emparèrent de lui. Un officier saisit le pistolet du capitaine SS dans son ceinturon accroché au mur, mais manifestement personne ne prit le temps de procéder à une fouille plus approfondie de Packebusch. Les policiers investirent le bâtiment pour arrêter d’autres hommes dont Diels croyait qu’ils avaient participé à la fouille de son appartement. Tous les suspects furent transportés au siège de la Gestapo ; Packebusch fut conduit dans le bureau de Diels.
Au petit matin, Diels et Packebusch étaient assis face à face, blêmes l’un et l’autre. Le « chien-loup alsacien » de Diels – nom officiel du berger allemand à l’époque – montait la garde à proximité, vigilant.
Diels jura de mettre Packebusch en prison.
Packebusch accusa Diels de trahison.
Rendu furieux par l’insolence de Packebusch, Diels jaillit de son fauteuil dans un accès de colère. Packebusch cria un flot d’obscénités et tira un pistolet caché dans la poche arrière de son pantalon. Il le pointa sur Diels, le doigt sur la détente.
D’après le récit de Diels, le chien entra dans la danse, bondissant sur Packebusch. Deux policiers en uniforme empoignèrent Packebusch et lui arrachèrent l’arme. Diels ordonna de le jeter dans les geôles de la Gestapo, au sous-sol.
Sans délai, Göring et Himmler se mêlèrent à cette affaire et passèrent un compromis. Göring retira à Diels la direction de la Gestapo et le nomma commissaire de police adjoint de Berlin. Diels estimait que son nouveau poste était une façon de le rétrograder, le privant de tout pouvoir réel – du moins pas le genre de pouvoir dont il aurait besoin pour tenir tête à Himmler si le chef des SS voulait régler ses comptes. Néanmoins, il accepta cet arrangement, de sorte que les choses restèrent en l’état jusqu’à un matin du même mois, où deux employés loyaux le hélèrent alors qu’il se rendait en voiture à son travail. Ils lui firent savoir que des agents des SS l’attendaient à son bureau avec un mandat d’arrêt de Göring.
Diels prit la fuite. Dans son livre, il affirme que sa femme lui avait conseillé de se faire accompagner par une amie, une Américaine, « qui pourrait se révéler utile pour traverser les frontières ». Elle habitait dans « un appartement de Tiergartenstrasse », écrit-il, et adorait prendre des risques : « Je connaissais son goût du danger et de l’aventure. »
Ces indices font immédiatement penser à Martha, mais elle ne fait aucune allusion à un tel voyage dans ses mémoires ni dans ses autres écrits.
Diels et
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