Dans l'intimité des reines et des favorites
de Navarre entendait une galopade s’éloigner du côté de la porte Saint-Honoré où Champvallon avait des amis sûrs.
Le lendemain, à l’aube, Henri III fit venir son capitaine des gardes et comprit qu’il avait été joué par sa sœur.
— À partir de maintenant, tout le palais sera surveillé, déclara-t-il, dehors comme dedans…
En apprenant cette décision, Marguerite fut atterrée, car elle avait, pour conserver son équilibre, un grand besoin du beau vicomte. Se fiant à sa seule fantaisie, il inventait, en effet, d’exténuants exercices dont elle éprouvait avec volupté les vertus sédatives. Privée des bons offices de Champvallon, la reine de Navarre risquait de sombrer dans une de ces dangereuses mélancolies qui affectent le cerveau et embrasent inutilement ce que les poètes du temps appelaient « le joly hérisson »…
Il fallait pouvoir échapper à la surveillance de son frère. Elle loua alors un hôtel dans la rue de la Couture-Sainte-Catherine (actuellement rue Sévigné) où M. de Champvallon put, sans danger, venir lui donner le meilleur de lui-même.
Libre enfin d’agir à sa guise, Marguerite fit du déduit le centre de ses préoccupations, décorant sa chambre de miroirs, apprenant de nouvelles caresses raffinées auprès d’un astrologue italien et commandant une cuisine aphrodisiaque pour son amant. Les menus étaient imaginés par elle. Sans doute lui donnait-elle des artichauts, du cresson, du céleri, des morilles, des asperges, des carottes, du poivre, du laurier, de la girofle, des écrevisses, du lièvre, des rognons de coq, ou des bécasses, mets dont les bonnes vertus étaient déjà connues de son temps. Mais il est très possible qu’en bonne et digne fille de Catherine de Médicis, elle ait usé des étranges recettes imaginées, dit-on, par Nicolas Flamel, dont les recueils avaient au XVI e siècle un énorme succès auprès des personnes galantes. Voici ce que le grand alchimiste préconisait pour redoubler de vaillance en amour :
« Il faut prendre des grains de satyrion pignon, de l’anis vert, de la roquette – en égale partie. Ajoutez-y un peu de musc, de la queue de lézard pilée, une once de testicule de rat, un foie de fauvette, une moustache de chat coupée en menus morceaux, deux cornes de limaçon, une cervelle de passereau et de l’herbe appelée langue d’oiseau, autrement dit ornithoglosse , avec un peu de mouches de cantharides. Faites confire le tout dans du miel purifié. Prenez-en tous les matins pendant huit jours à jeun, le poids d’un drachme, et ensuite tous les jours le poids d’un denier. Et usez à vos repas de pois chiches, de carottes, d’oignons, et de la roquette en salade, mangez anis et coriandre, pignons, et buvez un verre d’eau d’orties à tous les repas. »
Mais ce genre de recettes était destiné au menu peuple.
Pour les gens qui disposaient de quelque fortune, Nicolas Flamel ordonnait des produits beaucoup plus rares, beaucoup plus coûteux et, naturellement, beaucoup plus efficaces.
En voici un exemple :
« Prenez de la graine de bardane ; écrasez-la dans un mortier, joignez-y le testicule gauche d’un bouc de trois ans ; une pincée de poudre provenant des poils du dos d’un chien entièrement blanc que vous avez coupés le premier jour de la nouvelle lune et brûlés le septième. Vous mettrez le tout infuser dans une bouteille à moitié pleine d’eau-de-vie, et que vous laisserez débouchée pendant vingt et un jours pour qu’elle puisse recevoir l’influence des astres.
« Le vingt et unième jour, qui sera précisément le premier de la lune suivante, vous ferez cuire le tout jusqu’à ce que le mélange soit réduit à l’état de bouillie très épaisse ; alors vous ajouterez quatre gouttes de semence de crocodile, et vous aurez soin de passer le mélange à travers une chausse. Après avoir recueilli le liquide qui en découlera, il n’y aura plus qu’à en frotter les parties naturelles de l’homme impuissant, et sur-le-champ il fera des merveilles. Ce mélange est tellement actif qu’on a vu des femmes devenir enceintes rien que pour s’en être frotté les parties correspondantes, afin d’en enduire l’homme sans qu’il s’en doutât.
« Comme il est assez rare de voir des crocodiles dans notre pays, ajoute prudemment Nicolas Flamel, et qu’il est très difficile de s’y procurer de la semence de cet animal, on peut la remplacer par celle de
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