Dans l'intimité des reines et des favorites
plusieurs espèces de chiens. Quoi qu’il en soit, on a fait et répété très souvent cette expérience et elle a toujours bien réussi. »
Hélas ! la cuisine aphrodisiaque de la reine Marguerite poussa le malheureux Champvallon à de tels excès qu’un jour, épuisé, amaigri, quinteux, il quitta furtivement Paris et se réfugia à la campagne, où il épousa une jeune fille aux sens calmes, nommée Catherine de la Mark.
Marguerite fut folle de douleur. Elle lui écrivit une lettre qui trahissait un grand désarroi : Il n’y a donc plus de justice au ciel, ni de fidélité en terre ! Triomphez, triomphez de ma trop ardente amour ! Vantez-vous de m’avoir trompée ; riez-en, et moquez-vous-en avec celle de qui je reçois cette seule consolation, que son peu de mérite vous sera le juste remords de votre tort. En recevant cette lettre, la dernière, je vous supplie de me la renvoyer, car je ne veux pas qu’à cette belle entrevue que vous ferez ce soir elle serve de sujet au père et à la fille de discourir à mes dépens.
Puis, rendue furieuse par la surexcitation où la mettait l’abandon de Champvallon, elle se dressa contre son frère et fit chorus avec ceux qui reprochaient à Henri III ses curieuses manies.
Chaste par la force des choses, elle eût désiré que tout le monde en fût réduit à son état. Le roi prit très mal les quolibets venimeux de sa sœur et attendit une occasion de se venger.
Or, un beau jour de juin 1583, Champvallon, que le duc d’Anjou avait chassé pour le punir d’une indiscrétion, vint tête basse se réfugier chez Marguerite.
— Je suis un misérable, bredouilla-t-il. Pardonnez-moi…
Elle ne le laissa pas achever et l’entraîna fougueusement vers son lit où tout se termina à la satisfaction de chacun. Et pendant plusieurs semaines les deux amants, installés rue de la Couture-Sainte-Catherine, vécurent dans une telle ivresse qu’ils oublièrent de se montrer au Louvre.
Henri III , intrigué de ne plus voir sa sœur, fit enquêter par une femme de chambre qui le mit au courant des nouvelles relations de Marguerite avec Champvallon. En outre, comme elle était serviable, elle lui révéla le nom de tous les amants qu’avait eus Margot précédemment, ajoutant à cette énumération des détails à faire rougir un corps de garde.
Le roi entra dans une violente colère et résolut de chasser de Paris la reine de Navarre après lui avoir infligé un affront public.
Le dimanche 7 août, un grand bal fut donné à la cour. Henri III y convia sa sœur qui, sans défiance, vint prendre place sous le dais royal.
Soudain, au beau milieu de la fête, le roi, entouré de ses mignons, s’approcha de Marguerite et, à haute voix, l’apostropha devant toute l’assistance, la traitant de « vile putain » et lui reprochant son impudicité.
Les invités, extrêmement gênés, essayèrent de se glisser hors de la salle de bal ; Henri III les rappela, leur demandant d’écouter ce qu’il avait à reprocher à la reine de Navarre.
— Car je ne connais pas de pareille fille publique, cria-t-il. Elle a même accouché d’un enfant que lui a donné Champvallon.
Blême, les yeux baissés et les lèvres tremblantes, Marguerite se tenait immobile sous le dais, cependant que son frère, défiguré par la colère, nommait tous les amants que la femme de chambre lui avait cités. Enfin, quand il eut répété tous les détails, même les plus immondes, il s’écria :
— Vos déportements ont infecté la capitale. Je vous ordonne de délivrer la cour de votre présence contagieuse et de quitter Paris sur-le-champ. Allez retrouver votre mari, s’il veut encore de vous [57] .
Sans répondre, Marguerite se leva, traversa la foule silencieuse et regagna son hôtel où une dernière déception l’attendait : Champvallon, inquiet pour sa personne, s’était enfui sans même lui dire adieu…
7
Margot séduit son geôlier
Les femmes ont des armes secrètes qui leur
permettent de prendre des forteresses.
Le cardinal de Retz
La reine Margot passa la nuit à détruire les lettres compromettantes que des amants imprudents lui avaient écrites, et, au petit matin, elle quitta furtivement Paris, accompagnée de M me de Duras et de M me de Béthune, dont elle ne pouvait se passer.
Le soleil était haut déjà lorsque le carrosse de la reine de Navarre s’engagea sur la route de Palaiseau.
Marguerite pleurait :
— Il
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