Dans l'intimité des reines et des favorites
me serait si heureux que de pouvoir faire augmenter le nombre de vos serviteurs. Plusieurs s’en sont bien trouvées.
Hélas ! les eaux n’eurent aucun effet sur elle, et elle dut rentrer, sans la moindre espérance.
À Nérac, elle ne retrouva pas son mari. Henri de Navarre, un peu gêné de voir sa maîtresse prendre un embonpoint que lorgnaient les gens de la cour, avait dit un jour :
— Ma fille (c’est ainsi qu’il désignait Fosseuse) doit soigner un mal gastrique… Je vais la conduire aux Eaux-Chaudes.
Et il avait emmené la jeune femme, sans se soucier des plaisanteries que faisait le bon peuple sur les enfants de roi qui viennent dans l’estomac…
Quand la belle Fosseuse rentra (essayant toujours de cacher sa grossesse), Marguerite, qui avait changé de tactique, la fit appeler dans sa chambre et lui dit qu’elle était disposée à l’aider :
« J’ai moyen de m’en aller, sous couleur de la peste, que vous voyez qui est en ce pays et même en cette ville, au mas d’Agenais, qui est une maison du roi mon mari fort écartée. Je ne mènerai avec moi que le train que vous voudrez. Cependant, le roi mon mari ira à la chasse d’un autre côté, et ne bougera de là que vous ne soyez délivrée, et ferons par ce moyen cesser ce bruit, qui ne m’importe moins qu’à vous [53] . »
Fosseuse, fort courroucée, répondit avec arrogance que le bruit qui courait touchant son état n’était qu’une calomnie, « qu’elle ferait mentir tous ceux qui en avaient parlé ; qu’elle connaissait bien qu’il y avait quelque temps que Marguerite ne l’aimait plus », mais qu’elle ne se laisserait pas attaquer plus longtemps…
« Et, nous dit la reine Margot, parlant aussi haut que je lui avais parlé bas, elle sort tout en colère de mon cabinet et y va mettre le roi mon mari ; en sorte qu’il se courrouça fort à moi de ce que j’avais dit à sa fille, disant qu’elle ferait mentir tous ceux qui la taxaient, et m’en fit mine fort longtemps. »
Pendant des mois, Henri et sa maîtresse conservèrent cette attitude extravagante qui consistait à vouloir nier l’évidence.
Mais, un jour, la belle Fosseuse fut tout de même obligée d’avouer que les racontars étaient fondés. Écoutons encore une fois Marguerite de Navarre nous conter la scène : « Le mal lui prenant au matin, au point du jour, étant couchée en la chambre des filles, elle envoya quérir mon médecin et le pria d’aller avertir le roi mon mari ; ce qu’il fit. Nous étions couchés en une même chambre, en divers lits, comme nous avions accoutumé. Comme le médecin lui dit cette nouvelle, il se trouva fort en peine, ne sachant que faire, craignant d’un côté qu’elle fût découverte et, de l’autre, qu’elle fût mal secourue ; car il l’aimait fort. Il se résolut enfin de m’avouer tout, et me prier de l’aller secourir, sachant bien que, quoi qu’il se fût passé, il me trouverait toujours prête de le servir en ce qui lui plairait. Il ouvre mon rideau et me dit : “M’amie, je vous ai celé une chose qu’il faut que je vous avoue. Je vous prie de m’en excuser et de ne vous point souvenir de tout ce que je vous ai dit pour ce sujet ; mais obligez-moi tant de vous lever tout à cette heure et aller secourir Fosseuse, qui est fort malade. Je m’assure que vous ne voudriez, la voyant en cet état, vous ressentir de ce qui s’est passé ? Vous savez combien je l’aime. Je vous prie, obligez-moi en cela.” Je lui dis : Que je l’honorais trop pour m’offenser de choses qui vinssent de lui ; que je m’en allais et y ferais comme si c’était ma fille ; que cependant il s’en allât à la chasse et emmenât tout le monde, afin qu’il n’en fût point ouï parler.
« Je la fis promptement ôter de la chambre des filles et la mis en une chambre écartée, avec mon médecin et des femmes pour la servir, et la fis très bien secourir. Dieu voulut qu’elle ne fît qu’une fille, qui encore était morte. »
Marguerite poussa un soupir de soulagement, remercia le ciel d’arranger ses affaires et retourna se coucher.
Quand il rentra de la chasse, Navarre alla rendre visite à la Belle Fosseuse qui ruminait sa peine et fut très fâché de voir que Marguerite avait jugé bon de regagner son lit. Il courut la réveiller et lui reprocha grossièrement d’abandonner sa maîtresse. Alors une violente dispute éclata entre les deux époux, et la jeune reine, très
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