Dans l'intimité des reines et des favorites
Navarre lui fit comprendre la nécessité d’une solution rapide en s’emparant de Mont-de-Marsan…
Affolé, Henri III promit au Béarnais de retirer les garnisons d’Agen et de Condom, et de limiter celle de Bazas à cinquante chevaux.
Marguerite, qui se trouvait toujours à Agen avec son bel officier, reprit la route aussitôt. À Port-Sainte-Marie, elle rencontra Navarre qui l’embrassa sans prononcer un mot, et les témoins ne se gênèrent pas pour dire que cette réconciliation ne durerait guère.
Le roi de France ne sortait pas grandi de cette lamentable aventure. De plus, on pouvait craindre à tout moment un nouveau soulèvement huguenot dans le Languedoc. La situation était périlleuse, l’avenir avait des couleurs sombres, et Catherine de Médicis ne cessait d’abreuver son fils de reproches.
Fort heureusement le destin se chargea d’arranger les choses en faisant mourir brusquement le duc d’Anjou. Ce décès transformait en effet le Béarnais, ennemi de la couronne, en héritier du trône de France. Henri III vit là une occasion de se réconcilier avec son beau-frère sans perdre la face et, tout heureux, déclara à Mornay, conseiller de Navarre : « Je reconnais votre maître pour mon seul héritier ; c’est un prince bien né et de bon naturel. Je l’ai toujours aimé et je sais qu’il m’aime ; il est un peu colère et piquant, mais le fond est bon. »
Il n’était plus question de traiter Jeanne d’Albret de putain…
Mornay transmit ces paroles à Navarre et y ajouta cet extraordinaire commentaire : Les yeux d’un chacun sont arrêtés sur vous : il faut qu’en votre maison on voye quelque splendeur ; en votre conseil, une dignité ; en votre personne, une gravité ; en vos actions sérieuses, une constance, ès moindres mesmes, égalité. Ces amours si découvertes et auxquelles vous donnez tant de temps ne semblent plus de saison. Il est temps, sire, que vous fassiez l’amour à toute la chrétienté, et particulièrement à la France [61] .
On imagine mal, de nos jours, un conseiller d’État écrivant une telle lettre à un futur président de la République [62] …
Pendant quelques mois, Henri et Marguerite cohabitèrent sans trop de heurts. Il est vrai que les deux époux se voyaient assez peu, ayant, l’un et l’autre, des occupations fort absorbantes : tandis que la reine de Navarre recevait dans sa chambre tous les officiers de Nérac à qui elle voulait du bien, le roi, dont le tempérament exigeant ne pouvait se satisfaire facilement, donnait large ration de plaisir à ses maîtresses.
— N’avoir qu’une femme, c’est être chaste, disait-il.
Il en avait douze : Xainte, fille de chambre de Margot, la boulangère de Saint-Jean, M me de Potonville, la Baveresse « ainsi nommée pour avoir sué », M me de Duras, que la reine avait pu faire venir à Nérac, Picotin Pancoussaire, cuiseuse de pain, la comtesse de Saint-Magrin, la nourrice de Casteljaloux, « qui lui voulut donner un coup de couteau, parce que d’un écu qu’il lui fallait bailler il en retrancha quinze sols pour la maquerelle » [63] , les deux sœurs de l’Épée, Fleurette Dastarac, fille du jardinier du château de Nérac, et la favorite du moment, Corisande de Guiche, comtesse de Gramont [64] .
Bientôt la mésintelligence entre les époux se changea en hostilité. C’est à ce moment que M me de Gramont, qui rêvait de se faire épouser par le Béarnais, commença à se montrer franchement désagréable avec Margot.
Un jour, elle tenta de l’empoisonner.
La reine de Navarre l’apprit à temps, mais fut agacée. L’obligation de faire goûter ses aliments par un domestique est déplaisante, car, outre qu’elle vous conduit parfois à perdre de bons serviteurs difficiles à remplacer, elle risque de vous faire manger les plats froids. Aussi Margot décida-t-elle de ne pas demeurer plus longtemps dans un endroit aussi peu confortable. Quelques jours plus tard, elle quittait Nérac, sous prétexte d’aller faire ses Pâques à Agen, ville catholique de son apanage [65] .
Les Agenois lui firent un accueil enthousiaste, et elle s’installa dans la plus belle maison de la cité. Chacun pensait que la présence de la reine de Navarre allait faire marcher le commerce. On se réjouissait bruyamment :
— Des ambassadeurs de tous les pays vont venir avec leur suite…
— Peut-être que la reine mère séjournera
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