Dans l'intimité des reines et des favorites
jamais simple demoiselle, ne souffrit, l’ayant secourue, caché sa faute et toujours depuis tenue avec moi. Si vous n’appelez cela vous vouloir contenter, certes, je ne sais pas comme vous le pouvez entendre…
Catherine de Médicis attendait depuis longtemps l’occasion d’être désagréable à son gendre. Elle lui écrivit l’étonnante lettre que voici, dans laquelle elle rappelait avec beaucoup de sérénité qu’un époux qui trompe sa femme ne doit pas le crier sur les toits :
Vous n’êtes pas le premier mari jeune et peu sage en pareille chose ; mais je vous trouve bien le premier et le seul qui fasse, après un tel fait, tenir un pareil langage à sa femme. J’ai eu l’honneur d’avoir épousé le roi, mon seigneur et votre souverain ; mais la chose dont il était le plus marri, c’était quand il savait que je susse de ces nouvelles-là, et, quand Mme de Fleming fut grosse, il trouva très bien quand on la renvoya [54] ; de Mme de Valentinois, c’était comme de Mme d’Étampes, en tout honneur. Ce n’est pas la façon de traiter les femmes de bien et de telle maison, de les injurier à l’appétit d’une putain publique, car tout le monde sait l’enfant qu’elle a fait. Vous êtes trop bien né pour ne pas savoir comment vous devez vivre avec la fille de votre roi et la sœur de celui qui commande à tout ce royaume et à vous, qui, outre cela, vous honore et vous aime comme doit faire une femme de bien. J’ai fait partir cette belle bête, car tant que je vivrai je ne souffrirai pas de voir chose qui puisse empêcher ou diminuer l’amitié que ceux qui me sont si proches, comme elle m’est, se doivent porter l’un à l’autre, et vous prie que, après que ce beau messager de Frontenac vous aura dit le pis qu’il aura pu pour vous aliéner contre votre femme, de considérer le tort que vous vous êtes fait et retourner au bon chemin [55] .
Henri de Navarre ne répondit pas. Il est vrai qu’entre-temps il avait fait la connaissance de la gracieuse Corisande de Gramont, et que Fosseuse était déjà oubliée.
Dégoûtée, celle-ci ne prit même pas la peine de lui envoyer une lettre d’injures ; elle promena son éclat de « belle bête » dans quelques maisons amies, éblouit un gentilhomme, François de Broc, l’épousa et le rendit heureux jusqu’à la fin de ses jours, profitant de l’expérience qu’elle avait acquise dans le lit du Béarnais.
Les soucis que lui avait causés le renvoi de Fosseuse n’étaient pas suffisants pour empêcher Marguerite de se consacrer éperdument à l’amour avec son beau Champvallon.
Comme elle se méfiait du roi, qui montrait toujours à son égard la même jalousie, elle était obligée d’avoir recours à des moyens vaudevillesques pour faire entrer son amant dans sa chambre. C’est ainsi qu’elle soudoya un menuisier qui, sous couleur de lui apporter les matériaux nécessaires à la fabrication d’un petit escalier intérieur, venait tous les jours chargé d’un grand coffre dans lequel Champvallon se trouvait, recroquevillé et silencieux.
Alors, nous dit encore l’auteur du Divorce satyrique :
« Elle le recevait dans un lit éclairé de divers flambeaux, entre deux linceuls de taffetas noir, accompagnés de tant d’autres petites voluptés que je laisse à dire : ce fut alors qu’elle conçut de ces mignardises, non pas une Lyna comme Uranie, dont à tort elle usurpa le nom, mais bien cet Esplandian qui vit encore et qui, sous des parents putatifs, promet de réussir quelque chose de bon un jour [56] . »
Hélas ! un soir, Henri III apprit ce qui se passait dans la chambre de sa sœur…
Des gardes furent immédiatement disposés dans les couloirs, avec ordre d’arrêter Champvallon dès qu’il paraîtrait.
Crispés, immobiles, respirant à petits coups, ils essayaient de s’intégrer au silence. Peut-être y seraient-ils parvenus si le palais avait été chauffé ; mais les galeries du Louvre étaient glaciales et l’un d’eux éternua.
Margot, intriguée, colla son oreille contre la porte, perçut des bruits insolites et fit signe à son amant de se sauver par la fenêtre. Rhabillé en un clin d’œil, Champvallon se pencha au balcon, siffla dans la nuit et descendit par la corde qui lui servait chaque matin pour quitter le Louvre. Sur le quai, comme d’habitude, un de ses familiers l’attendait avec deux chevaux…
Quelques instants plus tard, la reine
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