Dans l'intimité des reines et des favorites
de Navarre malgré son odeur de gousset ? [32] C’est plus que probable : il était joli garçon [33] , spirituel, amusant, fougueux, alors que le duc d’Alençon était triste et bilieux… Aussi ne faisait-elle aucun effort pour accomplir sa mission auprès du Gascon qui eut bientôt pour elle une passion telle que Catherine de Médicis se frotta les mains. La reine Margot nous dit dans ses Mémoires : « Il ne me parlait presque plus. Il revenoit de chez elle fort tard, et pour l’empêcher de me voir elle luy commandoit de se trouver au lever de la royne, où elle étoit sujette d’aller, et après, tout le jour, il ne bougeoit plus d’avec elle. »
Il ne cachait d’ailleurs nullement cette liaison, même à sa femme, puisque Marguerite ajoute un peu plus loin : « Il me parlait de cette fantaisie aussi librement qu’à une sœur, connaissant bien que je n’en étais aucunement jalouse, ne désirant que son contentement… »
En somme, tout allait ainsi que le désiraient Henri III et sa mère : Navarre et Alençon étaient retenus au Louvre par une femme et ils commençaient à se haïr…
Le frère du roi avait-il renoncé à s’enfuir ? On commençait à le croire, et M me de Sauve « en faisait la fierote ». En fait il trompait tout le monde et préparait secrètement son évasion. Le 15 décembre 1575, lorsque tout fut au point, il dit adieu à sa sœur, changea de manteau, releva son col (ce qui devait paraître curieux en plein mois de septembre), se glissa hors du Louvre sans être reconnu et s’en alla à pied jusqu’à la porte Saint-Honoré. Là, un carrosse l’attendait qui le conduisit à Montfort-l’Amaury. Dans la nuit, il était à Dreux, ville de son apanage, et recevait avec de grandes réjouissances les gentilshommes de son parti.
Il avait quitté le Louvre à six heures du soir, mais on ne s’aperçut de son départ que vers neuf heures. « Le roi et la reine, ma mère, raconte Marguerite dans ses Mémoires , me demandèrent pourquoi il n’avoit point soupé avec eux, et s’il étoit malade. Je leur dis que je ne l’avois point vu depuis l’après-dînée. Ils envoyèrent en sa chambre voir ce qu’il faisoit. On vint leur dise qu’il n’y étoit pas. Ils disent qu’on le cherche par toutes les chambres des dames du château, on cherche par la ville ; on ne le trouve point. À cette heure, l’alarme s’échauffe ; le roi se met en colère, se courrouce, menace, envoye quérir tous les princes et seigneurs de la cour de monter à cheval et le luy ramener vif ou mort. »
Mais on ne put rattraper Alençon, « de quoi le roi, toute la cour et la ville de Paris furent merveilleusement troublés ».
Au milieu de cet affolement, M me de Sauve faisait piteuse mine. C’était la première fois que l’Escadron Volant essuyait une défaite.
Catherine de Médicis, toutefois, ne fit aucun reproche à la jeune femme, craignant, en la mécontentant, de l’inciter à favoriser la fuite de Navarre. Puisqu’on avait la chance de tenir encore celui-là, du moins fallait-il le garder. Et par tous les moyens…
La reine mère fit appeler des courtisanes un peu sur le retour et les chargea d’enseigner à M me de Sauve des caresses peu connues du vulgaire. La jeune femme fut une élève appliquée.
Au bout de quelques jours, elle était en mesure de montrer son nouveau savoir au Béarnais qui s’en trouva tellement émerveillé que M me de Sauve, un peu revigorée, put faire un rapport réconfortant à la reine mère.
Mais Navarre était rusé. Tout en prenant du plaisir avec son experte maîtresse, il préparait lui aussi son évasion ; et le 3 février 1576, après avoir endormi la méfiance de Catherine et de Henri III , il obtint la permission d’aller chasser en forêt de Senlis.
On ne devait pas le revoir à Paris avant vingt ans.
Le soir, Henri III , furieux, apprenait que son beau-frère avait trouvé des chevaux et des amis, à Senlis, et qu’il était parti à bride abattue se réfugier à Vendôme…
Cette fois, M me de Sauve crut mourir de honte. Elle resta plusieurs jours enfermée dans ses appartements, redoutant la colère de Catherine de Médicis. Mais la Florentine ne lui fit aucun reproche. Elle se contenta de la considérer désormais avec une moue méprisante…
Pour se consoler, M me de Sauve devint la maîtresse du duc de Guise.
Dès qu’il eut franchi la Loire, Henri de Navarre se
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