Dans l'intimité des reines et des favorites
« changer d’air ». Il quitta Paris le 22 mai 1575, accompagné de cent soixante-dix cavaliers, portant fièrement à son chapeau les couleurs de la reine Marguerite [28] …
4
Les amours incestueuses de la reine Margot
L’inceste resserre les liens de la famille,
mais nuit au développement
de la grande fraternité humaine.
Jehan Danflou
Tandis que Marguerite, atteinte d’une véritable boulimie amoureuse, faisait entrer successivement dans son lit tous les gardes du Louvre en attendant de se trouver un neuvième amant en titre, Henri de Navarre se consolait en batifolant avec une dame d’atours de la reine mère : la gracieuse baronne de Sauve [29] .
Elle avait « le tétin ferme et blanc, emplissant bien la main du gentilhomme, la cuisse longue et la fesse alerte ». Le Béarnais passait avec elle de ces nuits qui comptent même dans la vie d’un roi ; et il se félicitait d’être tombé dans une belle-famille où, la fidélité n’étant pas reconnue pour une vertu, il pouvait, sans risque, tromper sa femme.
Cette facilité de mœurs l’étonnait tout de même un peu, l’éducation protestante que lui avait donnée l’austère Jeanne d’Albret ne l’ayant pas habitué à autant de liberté.
S’il avait su la vérité, sans doute eût-il été plus étonné encore.
En effet, s’il était l’amant de M me de Sauve, c’est que sa belle-mère l’avait voulu.
Il s’agissait d’une obscure machination organisée par Catherine de Médicis dans un but politique.
Lorsque le complot qui devait écarter Henri III du pouvoir et faire monter le duc d’Alençon sur le trône avait été découvert, Catherine s’était refusée à faire emprisonner les deux princes – un tel acte eût causé une immense émotion dans tout le royaume – mais elle tenait Navarre et Alençon prisonniers au Louvre. Il leur était interdit de sortir seuls, et des sbires notaient tous leurs propos.
Malgré cette surveillance constante, Catherine de Médicis vivait dans les transes. Elle craignait à chaque instant que les deux beaux-frères ne parvinssent à s’échapper, à rejoindre les protestants et à préparer un nouveau complot.
Aussi, connaissant le goût de son gendre pour les jolies femmes, avait-elle eu l’idée de le mettre, si j’ose dire, entre les mains de M me de Sauve afin de le retenir à la cour.
La jeune baronne, qui était de tempérament galant, avait accepté le rôle que lui proposait la reine mère, et Navarre était devenu, sans le savoir, son propre prisonnier.
Restait Alençon. Quelle femme lui donner pour le fixer au Louvre ? Catherine en parla à Henri III . Celui-ci était encore plus machiavélique que sa mère : il imagina d’utiliser M me de Sauve pour retenir les deux hommes et, du même coup, les désunir [30] .
M me de Sauve devint donc la maîtresse du duc d’Alençon. Habile comédienne, elle sut faire exactement ce que Catherine et Henri attendaient d’elle. Se donnant successivement aux deux beaux-frères avec toutes les marques d’un amour sincère, elle commettait ensuite de fausses maladresses qui révélaient à chacun son uniforme. Écoutons Dreux du Radier : « L’amour du roi de Navarre et du duc d’Alençon pour M me de Sauve augmentant chaque jour, ils passèrent du chagrin réciproque qu’ils se donnoient à une jalousie déclarée, et qui ne leur permit plus d’envisager les raisons d’ambition, de politique et de devoir qui les avoient retenus. Un regard, une attention, un coup d’œil, la moindre faveur accordés par M me de Sauve au roi de Navarre irritoient le duc d’Alençon contre lui. Il en étoit de même du roi de Navarre à l’égard de son beau-frère. » Cette jalousie amena un commencement de brouille entre les deux hommes, ainsi que le raconta un jour le Béarnais lui-même à Sully :
« Nos premières haines commencèrent dès lors que nous étions tous les deux prisonniers à la cour, et que, ne sachant à quoi nous divertir pour ce que nous ne sortions pas souvent, et n’avions autre exercice qu’à faire voler des cailles dans ma chambre, nous nous amusions à caresser les dames, en sorte qu’étant tous deux devenus amoureux d’une même beauté, qui étoit M me de Sauve, elle me témoignoit de la bonne volonté, et le rabrouoit, et le méprisoit devant moi, ce qui le faisoit enrager [31] . »
M me de Sauve avait-elle une secrète préférence pour Henri
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