Dans l'intimité des reines et des favorites
incestueux que Marguerite avait eus avec le duc d’Alençon et diviser ainsi les deux chefs du récent complot.
Le pauvre ne se doutait pas que Navarre était parfaitement au courant de la conduite de sa femme et qu’il en profitait pour se livrer sans remords à la débauche la plus effrénée.
Un jour, le roi prit le Béarnais dans sa voiture, l’emmena en promenade et, comme par hasard, le fit passer dans la rue où habitait Entragues. Devant la porte de celui-ci se trouvait le carrosse de Marguerite, aisément reconnaissable à sa couleur dorée et à ses coussins de velours jaune.
— Ta femme est là, avec son amant, dit le souverain.
Navarre sourit, un peu gêné.
Le soir, Marguerite, mise au courant, courut chez sa mère pour se plaindre de l’attitude de Henri III . Celui-ci reçut une verte semonce de Catherine de Médicis et fut contraint de faire des excuses à tout le monde après avoir déclaré qu’il avait dû se tromper sur la couleur du carrosse.
Si la machination n’avait pas atteint son but, elle avait du moins ouvert les yeux de Marguerite sur la duplicité de son frère. Pendant quelques jours, elle fut d’une sagesse exemplaire, évitant de regarder les messieurs pour n’être point tentée.
Mais la chasteté n’était pas un état dans lequel elle se trouvait à l’aise. Un beau soir, elle devint la maîtresse de Louis de Clermont d’Amboise, seigneur de Bussy. C’était un élégant jeune homme « escalabreux, brave et vaillant », qui passait son temps à se battre en duel et à entrer dans le lit des jolies femmes de la cour.
Il possédait d’ailleurs, nous dit Merki, « un livre d’heures dans lequel il avait retracé l’histoire de tous les maris infortunés de sa connaissance en ajoutant un hymne à la louange de chacun » [24] .
Au contact de Marguerite, ce bouillant garçon se déchaîna, et ce ne fut entre eux que « concupiscence effrénée, conjonction cachée et consommation à l’écart ». Bientôt ils commirent des imprudences. Un soir, quelqu’un les aperçut, alors « qu’il la baisait toute en jupe sur la porte de sa chambre » [25] .
Henri III ne tarda pas à être mis au courant, par l’inévitable M. du Guast, qui détestait Marguerite, des curieuses distractions que celle-ci s’offrait dans les couloirs du Louvre. Désireux de faire partager sa jalousie, il appela Henri de Navarre :
— Ta femme te trompe avec Bussy !
Le Béarnais s’étant contenté de hausser les épaules sans répondre, le roi courut trouver sa mère et lui dit que la conduite de Marguerite scandalisait tout Paris.
Une fois de plus, Catherine prit la défense de sa fille.
« Je ne sais qui sont les brouillons qui vous mettent telles opinions en la fantaisie, répliqua-t-elle sévèrement. Ma fille est malheureuse d’être venue en un tel siècle. De notre temps, nous parlions librement à tout le monde, et tous les honnêtes gens qui suivaient le roi, votre père, M. le Dauphin et M. d’Orléans, vos oncles, étaient d’ordinaire à la chambre à coucher de M me Marguerite, votre tante, et de moi ; personne ne le trouvait étrange, comme aussi n’y avait-il pas de quoi. Bussy voit ma fille devant vous, devant son mari, devant tous les gens de son mari en sa chambre et devant tout le monde ; ce n’est pas à cachette ni à porte fermée. Bussy est personne de qualité et le premier auprès de votre frère. Qu’y a-t-il à penser ? En savez-vous autre chose ? Par une calomnie, à Lyon, vous me lui avez fait faire un affront très grand, duquel je crains bien qu’elle ne s’en ressente toute sa vie [26] … »
Fort étonné, le roi ne trouva à répliquer que :
— Madame, je n’en parle qu’après les autres.
— Qui sont ces autres, mon fils ? Ce sont gens qui veulent vous mettre mal avec tous les vôtres [27] !…
Henri III rentra chez lui bien décidé à supprimer ce Bussy qui connaissait avec sa sœur des délices dont il conservait la nostalgie…
Le surlendemain, à minuit, il le fit attaquer par douze cavaliers sur le quai du Louvre. L’amant de Marguerite parvint à glisser de son cheval et à courir dans l’obscurité jusqu’à l’embrasure d’une porte où il se cacha. Par un hasard extraordinaire, le battant était entrouvert. Il le poussa, entra dans la maison et y demeura jusqu’à l’aube. Le matin, il reparut à la cour et salua le roi avec un air ironique ; après quoi, il jugea prudent de
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