Dans l'intimité des reines et des favorites
sentit en sécurité et poussa un grand soupir :
— Loué soit Dieu qui m’a délivré ! s’écria-t-il.
Puis s’empressa d’abjurer la religion catholique qu’il avait prudemment embrassée au moment de la Saint-Barthélemy.
Cet acte accompli, il dit, sur un ton mi-plaisant, mi-sérieux « qu’il n’avait regret à Paris que de deux choses qu’il y avait laissées : qui étaient la messe et sa femme. Toutefois, quant à la première, qu’il essaierait de s’en passer ; mais de l’autre qu’il ne pouvait, et qu’il la voulait ravoir. »
C’était bien la première fois qu’il se préoccupait de Marguerite…
Il lui écrivit pour s’excuser d’être parti du Louvre sans lui dire au revoir et chargea le seigneur de Duras d’aller la chercher.
Henri III , qui ne décolérait pas depuis la fuite de Navarre, refusa de laisser partir sa sœur, disant qu’elle était le plus bel ornement de la cour et qu’il ne pouvait s’en séparer.
En réalité, il la gardait prisonnière. La pauvre ne pouvait sortir de sa chambre, des gardes surveillaient sa porte nuit et jour et son courrier était lu.
Pourquoi ce traitement ? Officiellement parce que Marguerite était accusée d’avoir organisé l’évasion de son mari. En fait, parce que Henri III soupçonnait Margot de conspirer avec Navarre en faveur de son frère François, duc d’Alençon, et qu’il était, une fois de plus, jaloux…
Préférait-il Margot à ses mignons ? Personne n’aurait pu le dire. Même pas lui. Mais il conservait un souvenir exaltant des minutes où il avait été son amant et ne pouvait supporter qu’un autre la possédât…
Pendant des semaines, des mois, il cloîtra cette jeune femme de vingt-cinq ans, l’empêchant de rencontrer des hommes et la forçant à une douloureuse chasteté qui lui donna bientôt un air un peu égaré.
Elle essaya bien de tromper sa fringale en s’occupant de poésie, de littérature ancienne et de musique ; mais ni Ronsard, ni Ovide, ni Clément Janequin ne purent lui faire oublier les besoins de sa nature. Au bout de trois mois de ce régime, elle était pareille à une tigresse privée de mâle ; le désir qui embrasait sa chair lui faisait parfois cambrer les reins, ouvrir les lèvres et pousser des cris rauques.
« Sans doute, nous dit un contemporain, aurait-on pu faire cuire un œuf sur son hérisson tant celui-ci était chaud et ardent. »
Mais cette curieuse idée ne vint à personne. D’ailleurs elle n’eût apporté aucun apaisement à la pauvre reine qui tournoyait dans sa chambre en proie à de véritables crises d’hystérie.
Un jour, n’y tenant plus, Margot alla se jeter aux pieds de Henri III et le supplia de l’autoriser à rejoindre son mari.
Le souverain la considéra avec un éclair mauvais dans les yeux.
— Depuis que le roi de Navarre s’est fait huguenot, dit-il, je n’ai pas trouvé bon que vous y alliez. Ce que nous en faisons, la reine, ma mère, et moi, c’est pour votre bien. Je veux faire la guerre aux huguenots et exterminer cette misérable religion qui nous a fait tant de mal… Qui sait si, pour me faire une indignité irréparable, ils ne voudraient pas se venger sur votre vie du mal que je leur ferai ? Non, vous n’irez point.
Malgré la surveillance étroite dont elle était l’objet, Marguerite réussit à faire parvenir un billet au duc d’Alençon pour l’informer du triste état dans lequel on la tenait au Louvre. Celui-ci, fort ému, envoya une lettre de protestation à Catherine de Médicis.
La reine mère bondit sur l’occasion. Depuis longtemps elle cherchait le moyen de « neutraliser » Alençon ; elle pensa qu’en échange de la liberté de Marguerite ce fils rebelle quitterait les protestants et abandonnerait la lutte contre la couronne.
Elle proposa à Henri III de négocier avec le duc par l’entremise de Marguerite.
— Vous savez combien François aime votre sœur, dit-elle. Tout ce qu’elle demandera, elle l’obtiendra.
C’était précisément ce qu’il ne fallait pas dire.
— Marguerite ne sortira pas d’ici, déclara sèchement le roi.
Catherine se rendit seule auprès d’Alençon qui refusa catégoriquement d’entamer des pourparlers tant que sa sœur serait prisonnière :
— Je ne peux supporter qu’elle souffre quand je suis libre ! s’écria-t-il.
Catherine revint au Louvre dare-dare.
— Je n’aboutirai à rien sans Marguerite, dit-elle. Il faut
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