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Dans l'ombre de la reine

Dans l'ombre de la reine

Titel: Dans l'ombre de la reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Fiona Buckley
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CHAPITRE PREMIER

Le palais de Richmond
     
    John Wilton était un homme de petite taille, sec et nerveux, aux cheveux brun cendré courts et hérissés. Il avait le nez retroussé et les dents jaunies. Je ne me rappelle pas la couleur de ses yeux et je n’ai jamais su son âge. Les hommes tels que John semblaient naître au milieu de leur vie et s’y fixer. Il avait débuté comme palefrenier dans ma belle-famille, puis était devenu le valet de mon époux. Maintenant que Gerald avait quitté ce monde, il serait avec joie resté à mon service, mais, hélas, je n’en avais pas les moyens.
    John croyait aux vertus du labeur et de la franchise, qu’il poussait parfois un peu loin. Il livrait sa pensée quand il le jugeait bon, sans se soucier du risque, sans égard pour le rang. Il était simple et sûr comme du bon pain. En ce mois d’avril 1560 où la reine Élisabeth régnait depuis moins d’un an et demi, la secte des puritains commençait tout juste à apparaître et je doute que John en eût entendu parler. Toutefois, à une époque plus tardive, il aurait fort bien pu s’y rallier.
    Et cet après-midi-là, comme il m’en coûtait de descendre du cheval où il m’avait prise en croupe, pour lui dire adieu à la porte du palais de Richmond !
    D’aucuns m’auraient jugée ingrate. N’allais-je pas entrer au service de Sa Majesté la reine ? Richmond comptait parmi les plus récentes et les plus belles des résidences royales, toute de lumière et de grâce aérienne avec ses tourelles, ses fontaines, ses fenêtres généreuses et ses girouettes qui chantaient au vent. Y être admise était un privilège, surtout en tant que dame d’honneur de la jeune souveraine. Dieu m’en soit témoin, je m’étais séparée d’êtres qui m’importaient plus que John. Après avoir vu mon époux mourir de la vérole, j’avais été contrainte de confier notre petite Meg aux soins de Bridget, sa nourrice. Qu’était un valet, comparé à un mari et à une enfant ?
    Néanmoins, John représentait mon dernier lien avec eux – avec ma vie conjugale trop brève et la petite fille aimante que Gerald m’avait donnée, tel un cadeau. Voilà que je le perdais, lui aussi, et tous les palais, les pinacles et les princes n’auraient pu m’en consoler. Mais cela n’y changeait rien. Si grand que fût l’honneur de devenir une suivante de la reine, un traitement de trente livres par an me permettrait à peine d’entretenir Meg et sa nourrice. Je n’avais pas les moyens de payer John de surcroît.
    Je lui parlai, le temps qu’on vînt m’escorter à l’intérieur du palais. Je lui répétai des messages pour Meg et pour Bridget, redoutant le moment de la séparation tout en aspirant à en finir. L’attente se prolongea. Le messager du garde était parti annoncer mon arrivée, mais un quart d’heure s’écoula avant qu’il reparût, accompagné d’un page pour me guider et d’un serviteur pour porter mes malles.
    Au dernier instant, alors que le porteur, mes bagages sur l’épaule, disparaissait déjà sous le porche et que le page m’attendait avec une patience ostentatoire, les larmes me montèrent aux yeux.
    John le remarqua. Il ôta son bonnet, ce qui redressa ses cheveux tels les piquants d’un hérisson.
    — J’espère trouver du travail pas loin de Bridget et de la petite. Je me souviendrai de vos messages, madame, n’ayez crainte. Je veillerai sur elles deux à votre place. Et si d’aventure vous avez besoin de moi, dame Blanchard, un seul mot de vous et je serai là, sur la première rosse que je pourrai trouver.
    — Merci, dis-je d’une voix tremblante. Je n’hésiterai pas, soyez-en sûr. Au revoir, John. Bon retour chez vous.
    Alors qu’il se remettait en selle, je faillis céder à la panique. À l’âge de vingt-six ans, je me retrouvais presque seule au monde, livrée à mes propres ressources dans un lieu certes splendide, mais recelant toutes sortes de règles inconnues, sans parler de ses dangers. Quant à ces derniers, je ne les ignorais pas tout à fait, les ayant appris de ma mère ; toutefois ils n’en paraissaient pas moins alarmants.
    Quoi qu’il en fût, je ne commencerais pas mon service auprès de la reine en me couvrant de ridicule. Je parvins à garder bonne contenance. John s’éloigna avec les deux chevaux de louage qui nous avaient amenés du Sussex, sans que je le suive des yeux. Je m’armai de courage – non pour oublier mon cœur lourd, car c’eût

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