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Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Dingli
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sourit en le dévisageant. Elle sentit ses mains serrer les siennes.
    — Je ne crains rien ; tu es près de moi…
    Elle hésita un instant avant de reprendre.
    — Crois-tu que j’aie une chance d’être libérée ?
    — J’en suis sûr. J’ai vu Virlojeux. Il fera l’impossible pour que tu sortes d’ici. Il me l’a promis.
    En réalité, Virlojeux n’avait rien dit de tel, mais Antoine y croyait lui-même et ne voulait pas que sa femme perdît espoir.
    — Tu lui fais confiance ?
    Le peintre parut troublé par cette question.
    — Il nous a toujours aidés, n’est-ce pas ? Il t’avait obtenu un passeport pour la Vendée. Que veux-tu dire ?
    — Je ne sais pas, malgré tout, je doute encore de sa sincérité. Ce n’est qu’une intuition, mais…
    — Nous verrons bien s’il tient ou non sa promesse.
    — Et dans le cas contraire ?
    — Je parlerai à Lechenard, et même à Sergent. S’il le faut, j’irai trouver Pierre à l’armée pour qu’il témoigne en ta faveur.
    Le guichetier commença à s’agiter pour signifier que l’entrevue s’achevait.
    — Sois courageuse, je reviendrai vite te chercher.
    Il lui serra les mains une dernière fois, puis le porte-clefs emmena la prisonnière. Malgré le courage d’Amélie et la confiance d’Antoine, cet arrachement fut le plus douloureux de leur existence.
    Avant de quitter La Force, le Toulousain remit de l’argent à la citoyenne Bault.
    — Prenez soin d’elle, je vous en conjure…
    — Ne vous inquiétez pas, lui dit la concierge, je la logerai dans la cour de la Chapelle, dans l’une des pistoles 2 . Elle y sera bien.
    Antoine la remercia chaleureusement et courut à l’imprimerie du faubourg Germain.
    1 - Même si la politique de déchristianisation n’atteignit son paroxysme qu’en l’an II, certains avaient déjà pris l’habitude de supprimer le nom des saints : on disait ainsi la rue Benoît (pour Saint-Benoît), les faubourgs Antoine, Marceau ou Germain.
    2 - On appelait ainsi à La Force les chambres dont les commodités s’obtenaient en payant.

III
    L’imprimerie, qui ne fonctionnait pas depuis longtemps, ressemblait à une étude de notaire dont les dossiers auraient été entassés dans le plus grand désordre. Si le Fanal de la Liberté ne paraissait plus, quel était alors le métier de Gaspard ? La question passa dans l’esprit d’Antoine comme un météore. Il n’avait pas le loisir de spéculer sur les occupations d’un gazetier au chômage. Il était suspendu aux lèvres de son interlocuteur.
    — Je t’en prie, délivre-moi de mes inquiétudes. As-tu obtenu quelque chose ?
    — J’ai passé la journée à entretenir plusieurs conseillers de la Commune…
    — Gaspard, je savais que…
    — Attends donc ! Et ne chante pas victoire trop vite !
    Le visage d’Antoine se ferma.
    — Je me suis informé auprès des citoyens que je connais, reprit Virlojeux. Malheureusement, il leur sera difficile d’intervenir. Ils m’ont parlé d’une lettre compromettante, une lettre de la ci-devant marquise de Morlanges adressée à ta femme et dans laquelle elle évoque l’émigration de son frère.
    — Quelle lettre ?
    — Elle a été saisie lors de la visite domiciliaire du mois d’août dernier. Au départ, ils n’y ont pas prêté attention, parce que tu t’étais illustré au 10 août et que tu avais donné des preuves de ton amour pour l’égalité. Mais les temps ont changé et un administrateur un peu plus tatillon a exhumé cette pièce du dossier. Je ne sais pas sur la dénonciation de qui ni pourquoi, mais c’est ainsi.
    — Amélie n’a fait que recevoir des nouvelles de son frère. Il n’y a rien de mal à cela.
    — Je comprends bien, mon cher Antoine, mais les conseillers, eux, ne l’entendent pas de cette oreille et ne goûteront pas tes explications.
    — Alors, que dois-je faire ?
    — Il faudra, je le crains, attendre un procès.
    — Un procès ? répéta Antoine effondré.
    — Évidemment, l’affaire est grave, d’autant plus que le département où est née ta femme est peuplé de conspirateurs, qu’elle a un frère émigré et que son père est connu pour être un royaliste forcené.
    — J’irai parler au président de la Commune…
    — Ce sera inutile.
    — Il existe pourtant une solution.
    — Il en existe une en effet, mais…
    — Parle !
    — Elle est dangereuse.
    — Vraiment ? Je suis prêt à tout.
    — Non, elle est dangereuse

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