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Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Dingli
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pour moi. L’un des conseillers, dont je préfère taire le nom, m’a laissé entendre qu’il pourrait intervenir et faire libérer ta femme.
    — Eh bien, pourquoi ne le disais-tu pas ?
    — C’est qu’il pose une condition. Oh ! Bien sûr, il ne me l’a pas révélée ouvertement, mais j’ai bien compris que le service de la patrie n’était pas, comment dire ? un salaire dont il pouvait se contenter.
    — Combien ?
    — Dix mille livres, en monnaie métallique bien sûr, pas en assignats.
    — Où trouver cet argent ? Mon père a été presque ruiné par la Révolution, et puis, le temps qu’il m’envoie une somme pareille…
    — Écoute-moi, Antoine, je ne sais pas si tu te rends compte du risque que je prends en faisant ça pour toi. C’est ma tête qui est en jeu. Sous aucun prétexte, tu ne dois parler de cette affaire, même aux personnes qui te sont les plus proches. Jure-le moi.
    — Je le jure…
    — Mise à part ma sûreté, il en va de mes convictions, ce qui est plus grave encore. Tu sais quel dégoût un vrai républicain nourrit pour la corruption. Si ce n’était pour sauver Amélie, j’irais dénoncer ce traître sur-le-champ et le traînerais moi-même jusqu’au tribunal pour que sa tête tombe sous le glaive de la loi. Je ne te dis pas cela pour me vanter du sacrifice que je fais ainsi à notre amitié, mais seulement pour que tu sois prudent et que tu tiennes ta langue. Regarde donc autour de toi ! Je ne peux même plus faire fonctionner cette imprimerie que j’ai pourtant achetée à prix d’or. Il ne me reste plus rien, Antoine, rien. Tout cela n’a aucune importance, mais moi qui n’ai plus un sou, moi qui me suis ruiné pour la Révolution, je n’accepterai jamais d’être compromis pour corruption après avoir rendu tant de services désintéressés à la Nation.
    — Je te comprends. Je te promets d’être muet comme une tombe. Je trouverai l’argent. Je vendrai tout, mes tableaux, les bijoux d’Amélie…
    — Non, tu n’en auras pas le temps et tu éveilleras les soupçons, apporte plutôt les bijoux et les objets précieux avec l’argent qui te reste, il s’en contentera.
    — Je t’apporterai le tout, dès ce soir.
     
    Sans marquer de pause, Antoine rentra chez lui où il rassembla son argent, une partie des bijoux de sa femme et tous les objets de valeur qu’ils possédaient encore ; puis il retourna aussitôt au faubourg Germain. Virlojeux examina attentivement la marchandise dont il rejeta quelques pièces avant de mettre le reste dans un grand sac.
    — J’ai rendez-vous avec notre homme, cette nuit, dans un endroit secret.
    — Es-tu certain qu’il fera ce qu’on lui demande ?
    — C’est dans son intérêt ; je ne lui donnerai que la moitié de l’argent. Il aura le reste quand Amélie sera libérée. De toute façon, il craint trop une dénonciation pour ne pas remplir sa partie du contrat. Tu sais Antoine que je connais bien les hommes. Et j’ai ausculté celui-là encore plus facilement que les autres ; ce n’est qu’un trafiquant, un petit griveleur sans ambition ; j’ai vu son regard de lâche auquel l’avidité communiquait un semblant de courage. J’ai bien vu aussi qu’il avait peur de moi. J’ai pris un air mystérieux ; je lui ai parlé de protecteurs puissants dont je n’étais que l’émissaire, des protecteurs qui ne reculeraient devant rien s’ils étaient contrariés dans leur démarche. Il fera ce qu’on lui dit.
    — Comment te remercier ?
    — Nous verrons cela plus tard, quand je t’aurai rendu ta femme.
    Antoine salua chaleureusement Gaspard, puis rentra chez lui. Il n’était pourtant qu’à moitié rassuré. Malgré le sang-froid de son ami, l’affaire pouvait tourner à la catastrophe ; il craignait l’impondérable, l’imprévu de dernière minute. Si la manœuvre était dévoilée, ils risquaient tous leur tête.
    Une semaine passa dans l’angoisse, sans qu’Antoine obtînt la moindre nouvelle. Chaque fois qu’il en recevait l’autorisation, il rendait visite à sa femme pour lui redonner un peu d’espoir.
     
    Vers la mi-février, alors qu’il se trouvait seul dans son appartement, occupé à rédiger une lettre, le jeune homme crut sentir une présence. Il redressa brusquement la tête, mais n’osa se lever, comme s’il craignait une mauvaise nouvelle. Des pas firent crisser le plancher. Quelqu’un s’approchait. Était-ce la fatigue ? Antoine ne reconnaissait

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