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Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Dingli
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journaliste.
    Antoine n’était pas convaincu. Il décida d’attendre un peu. Mais, au bout d’une demi-heure, Amélie n’était toujours pas rentrée. Il ressentit une bouffée d’angoisse.
    — Il a dû arriver quelque chose. Il faut que j’aille me renseigner au comité. Viens avec moi, Gaspard !
    Virlojeux baissa les yeux, visiblement embarrassé.
    — Il vaut mieux éviter que j’intervienne ouvertement. Je serai plus utile si je reste dans l’ombre. Je t’attendrai ici.
    Antoine fut étonné par cette réponse, mais il n’avait pas de temps à perdre. Il se précipita au comité.
     
    — Que veux-tu encore ? demanda le président.
    — Ma femme a disparu.
    — Oui, je sais. Elle a été arrêtée, il y a une heure. Elle est à la Force.
    Antoine resta figé. Pendant quelques secondes, il fut incapable de parler. Il avait encore à l’esprit les images de septembre.
    — Elle n’a rien fait.
    — Ce n’est pas mon affaire. Elle a été dénoncée et la justice suit son cours. Si elle n’a rien fait, elle sera libérée.
    Loisel rentra chez lui en courant. Il voulait annoncer la nouvelle à Virlojeux avant de se rendre à la Force.
    Gaspard se tenait debout dans le salon, les deux mains appuyées sur le pommeau de sa canne. Il réfléchit quelques instants.
    — Cette fois, la situation est grave.
    Antoine eut un coup au cœur.
    — Mais, avec le crédit que tu as auprès de la Commune, tu…
    — Je crois, mon cher, que tu te fais une idée bien exagérée de mon influence.
    — Et ce passeport que tu m’avais obtenu si rapidement en septembre.
    — Un ami, qui m’était redevable, m’a rendu ce petit service. Mais la prison, c’est une autre affaire.
    Antoine conserva un instant les yeux dans le vide. Il se ressaisit.
    — Bien, je me débrouillerai seul.
    Il se dirigeait vers la porte quand Virlojeux l’interpella.
    — Attends donc, je n’ai jamais dit que je n’allais pas t’aider, mais seulement que ce serait difficile. Je vais commencer par me renseigner pendant que tu iras à la Force. Retrouve-moi à l’imprimerie, rue Benoît 1 .
    Ils sortirent ; le Toulousain se précipita à l’entrée de la Grande Force, rue des Droits-de-l’Homme, ci-devant Roi-de-Sicile. Il sollicita une visite, mais un geôlier lui dit qu’il était trop tard et qu’il devait revenir le lendemain. Antoine passa une nuit atroce. Il devenait fou à l’idée que sa femme se trouvait seule, à quelque distance de là, dans l’ignorance totale de ce qui l’attendait.
    Le jour suivant, il se présenta de nouveau à la Force où il fut reçu assez aimablement par le concierge Bault. L’un des guichetiers alla chercher Amélie à travers le labyrinthe de la prison. Antoine attendit avec impatience, dans le parloir – une salle grillée, humide et froide. Puis elle apparut, resplendissante, malgré l’anxiété et la fatigue. Elle portait toujours le même feu, la même profondeur dans le regard. Elle contenait son trouble et s’efforçait de ne pas pleurer pour ne pas inquiéter son mari. Le porte-clefs alla s’asseoir sur l’unique banc de la salle. Les amants restèrent debout et s’observèrent un moment en silence. Ils savaient que la vie n’aurait plus de sens s’ils étaient séparés.
    — Je te sortirai d’ici, mon amour.
    — Je ne suis plus inquiète. Hier pourtant, quand ils sont venus me chercher, j’ai eu peur. Je me trouvais isolée avec ces hommes qui me haïssaient sans me connaître ; et puis, tout à coup, dans la solitude de ma cellule, j’ai compris que personne ne pourrait m’arracher à toi, que la mort elle-même en serait incapable. Notre amour m’est apparu comme une foi religieuse, mystique, intransigeante dans son ardeur. J’entendais ta voix me murmurer des mots de réconfort, je sentais tes mains me soutenir, me caresser. Pas un instant, je n’ai été seule. À aucun moment, je n’ai vécu sans toi…
    L’émotion empêcha Antoine de répondre. Amélie lui communiquait sa force. Elle était prisonnière et semblait pourtant plus libre que lui.
    Elle poursuivit, en se composant un air apaisé.
    — La concierge, la citoyenne Bault, s’est montrée très douce. Elle m’a demandé si je n’avais besoin de rien et m’a dit que, pour une somme modique, je pouvais obtenir une chambre et un lit.
    — Tu auras tout ce qu’il te faut… mais tu ne resteras pas assez longtemps pour en profiter.
    Il avait dit cela en riant nerveusement. Elle

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