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Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Dingli
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miracle, ce dernier se trouvait encore en ville, Antoine pourrait peut-être le convaincre de tenter quelque chose pour Amélie. On disait que les Bleus épargnaient les femmes enceintes. Bien sûr, ils en avaient déjà abattu des dizaines, peut-être des centaines, au mépris de leurs propres lois. Mais, il fallait bien essayer… Restait un obstacle essentiel. Comment parvenir jusqu’à Nantes ? Il songea d’abord à se déguiser en mendiant, mais se rendit compte que, dans un tel accoutrement, il ne franchirait jamais les barrages ; il n’avait pas le droit à l’erreur. Il lui fallait des papiers. Où en trouver ? Faire un faux ? Trop dangereux… Il lui vint alors une idée plus expéditive, une idée tellement audacieuse qu’elle avait une chance de fonctionner : tuer un républicain et s’emparer de ses papiers… L’important était de se retrouver à Nantes avant que l’alerte ne fût donnée. Il y avait une chance infime pour qu’un tel plan réussît, mais Antoine était décidé à la tenter.
    Il devait donc assassiner un homme de sang-froid. Comment choisirait-il sa victime ? Les papiers d’un soldat ne serviraient à rien, car il serait pris comme déserteur. Il fallait donc trouver un civil qui fût républicain, mais où ? En ville ? Il serait fusillé avant d’avoir fait dix pas. Il eut soudain une nouvelle idée. Il arrêterait l’un des paysans qui, chaque jour, allaient vendre leurs marchandises aux halles de Nantes. Dès l’aube, il guetterait le premier qui passerait seul près du grand chemin, et…
    Aussitôt son plan arrêté, il partit pour l’ancienne capitale des ducs de Bretagne, marchant de nuit et se faisant guider par les royalistes du pays. En moins de cinq jours, il parvint jusqu’aux portes de la ville.
     
    Il s’était tapi au bord du chemin, dissimulé par la végétation comme un prédateur guettant sa proie. Le jour commençait à poindre. Il aperçut un premier groupe de paysans, mais ces derniers étaient trop nombreux pour qu’il pût tenter un coup de main. Il vit ensuite un détachement de gardes nationaux. Il attendit encore une demi-heure, désespérant de trouver son homme. Antoine s’était placé aux abords d’un virage afin de surveiller ses arrières sans être vu de ceux qui le précéderaient. Il avait surtout repéré un passage dans la haie qui bordait l’autre versant ; il pourrait ainsi cacher rapidement tout un équipage et s’y déguiser à l’abri des regards.
    Un homme seul apparut enfin. Le paysan conduisait un attelage à deux chevaux. Antoine attendit qu’il parvînt à sa hauteur et que le virage l’obligeât à ralentir pour se jeter sur lui comme un fauve. En l’espace d’un éclair, il l’avait renversé au bas de sa voiture et lui avait mis son couteau sur la gorge.
    — Un seul mot, et tu es mort !
    Le paysan le regarda, terrifié. Il gémissait en raison de la chute.
    Antoine l’entraîna rapidement avec son attelage derrière la haie. Tout se déroulait pour l’instant comme prévu.
    — Qu’est-ce que vous me voulez ? balbutia l’autre d’une voix tremblante, j’ai point d’argent.
    — Donne-moi ton laissez-passer, vite ! ordonna le Toulousain en serrant sa lame sur la gorge du croquant.
    L’homme fouilla maladroitement ses poches à la recherche du sésame.
    — Allons, dépêche-toi !
    — Le voilà, le voilà, fit le rustre en brandissant le papier.
    Sa main tremblait et Antoine se reprit à deux fois pour saisir le laissez-passer. Il le lut rapidement. Le document était au nom d’Étienne Moriceau, vigneron. Tout semblait parfait. Restait maintenant à accomplir le plus difficile : tuer ce malheureux. Antoine ne devait prendre aucun risque. Une fois libéré, le gueux donnerait l’alerte et son plan serait anéanti.
    Mais Antoine tremblait lui-même et, plus il serrait la lame, plus sa main vacillait. Son regard plongea dans les yeux épouvantés du paysan.
    — Tu vas m’tuer ? lui demanda ce dernier.
    — Il le faut, tais-toi ! Je dois en finir.
    — J’ai une femme et des enfants.
    — Moi aussi, j’ai une femme, et elle est en prison, là-bas.
    Il indiqua de la tête la direction de Nantes.
    — J’peux t’aider ; j’aime pas non plus les Marat et pis tous ces bougres de sans-culottes.
    — Je n’ai pas confiance.
    — T’as qu’à m’attacher, me bâillonner et me laisser là derrière la haie. Bon Dieu ! J’pourrai pas te dénoncer ! Eh ! Mais !

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