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Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Dingli
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ne fut rien comparé à celui qu’ils ressentirent lorsqu’ils découvrirent le visage de l’homme que le hussard ramenait avec lui.

IX
    Cet homme, c’était Garnier, le patriote exemplaire avec lequel ils avaient voyagé en février 1793 à leur arrivée en Vendée, Garnier qui les avait surpris avec Laheu, Garnier qui avait manifesté son mépris pour les paysans, leur ignorance et leurs superstitions. Et voilà qu’il apparaissait, le visage sévère, au moment de la curée.
    — Citoyen administrateur, ces deux bougres de paysans prétendent ravitailler ton district en vin. Les connais-tu ?
    Garnier s’approcha et les fixa longuement. Un mot, un seul, et ils étaient morts. Il avait ce pouvoir terrible entre les mains. Personne ne le lui reprocherait. Ce ne serait même pas un assassinat, mais un acte de vertu civique. Partout dans les départements qui formaient la Vendée militaire, on se débarrassait des brigands comme de la simple vermine.
    — Alors, citoyen, les connais-tu ou non ?
    Les Loisel arrêtèrent de respirer.
    — Oui, dit Garnier, je les connais. Tout ce qu’ils prétendent est vrai.
    Et, soudain, joignant le geste à la parole, il tapota amicalement l’épaule d’Antoine.
    — Alors, mon brave ami, il faut nous trouver d’aussi bonnes bouteilles que celles que tu avais dénichées la dernière fois. Nous avons ici un brave général sans-culotte qui sera ravi de les boire.
    Les cavaliers s’esclaffèrent.
    — Oui-da, citoyen Garnier, dit Antoine, bouleversé…
    Et le hussard leur ordonna d’un geste de déguerpir.
    Les Loisel croisèrent un instant le regard de Garnier, puis s’éclipsèrent, après avoir enjambé le cadavre du vieux Gilles qui entravait le chemin.
     
    Ils se cachèrent au milieu d’un bois, dans une petite cabane qui servait autrefois de relais de chasse. Ils pensaient pouvoir y attendre des jours meilleurs. C’était le début de janvier. Les colonnes infernales sillonnaient la Vendée, brûlant, violant et tuant tout sur leur passage. Antoine avait ménagé un souterrain dissimulé par des pierres et un tapis de feuilles où ils pourraient se réfugier en cas d’alerte.
    Les premiers jours, tout se passa bien. Puis, un soir qu’Antoine était parti chercher des vivres, Amélie crut distinguer une ombre dans les bois. Elle scruta le bord de la clairière, mais ne vit rien ; elle attendit alors anxieusement le retour d’Antoine.
    Quand il rentra enfin, elle lui confia ses craintes. Pendant vingt-quatre heures, le Toulousain ne quitta pas le relais et monta vainement la garde ; il devait aller au ravitaillement. De temps à autre, des paysans leur apportaient des vivres, la nuit, mais leur dernier pourvoyeur avait été massacré avec toute sa famille.
    — Ne me laisse pas seule, Antoine, j’ai tellement peur.
    — Je ne serai pas absent longtemps. Je ne veux pas que tu meures de faim…
    Il l’embrassa et partit. L’aube venait de se lever.
    Peu après son départ, Amélie revit l’ombre qu’elle avait entrevue l’avant-veille. Elle pensa devenir folle. Mais non, pourtant, elle ne rêvait pas. Quelqu’un les épiait. La silhouette s’approcha. La jeune femme se baissa sous la petite fenêtre du relais pour ne pas être aperçue, puis attendit ainsi une dizaine de minutes en retenant son souffle ; personne n’essayait d’entrer ; elle se leva légèrement pour regarder. Elle fut alors saisie d’effroi. Un homme lui faisait face et l’observait par l’encadrement de la croisée. Il semblait aussi surpris qu’elle. Après quelques secondes d’hésitation, il s’en alla précipitamment.
    Amélie reprit ses esprits avec peine. Elle s’attendait à voir surgir des soldats à tout moment. Elle entendit un bruit et sursauta. C’était Antoine.
    — Je l’ai vu, je l’ai vu, répéta-t-elle avec angoisse.
    — Qui donc ?
    — L’homme de l’autre jour. Je suis sûre de l’avoir déjà rencontré, mais je ne me souviens pas où. J’y ai pourtant réfléchi pendant des heures…
    — Cherche encore !
    — Je ne sais plus !
    — De toute façon, nous ne pouvons pas courir le risque de rester ici. Va te cacher tout de suite dans le souterrain, je vais voir si le chemin est libre.
    — Je t’accompagne.
    — Non, c’est trop dangereux, je reviendrai te chercher aussi vite que possible.
    Antoine allait partir lorsqu’il fut rattrapé par la voix de sa femme.
    — J’ai trouvé !
    — Quoi donc ?
    — Cet

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