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Délivrez-nous du mal

Délivrez-nous du mal

Titel: Délivrez-nous du mal Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Romain Sardou
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insoutenable. Effarée, Até recula. Elle n’en croyait pas ses yeux : toute cette masse de chair pétrifiée par la maladie s’agitait soudain.
    Une dartre éclatée au niveau de l’épaule gauche laissa subitement apparaître de l’eau.
    Une eau pure.
    Le liquide lava l’infection, emportant dans son sillon les résidus de peau morte. Un autre ulcère l’imita.
    De toutes parts, les chancres enflaient, puis se déchiraient, et le pus et le sang s’évacuaient en se diluant dans cette eau toujours limpide.
    Dès qu’elles touchaient le sol ou les braises, les gouttes disparaissaient sans rien laisser du déchet des tuméfactions.
    Le corps fut inondé, comme s’il était battu par une pluie d’eau bénite. À cela près que cette pluie lui naissait des pores de la peau.
    Stupéfaite, Até commençait de voir reparaître par endroits des parcelles de peau saine.
    Elle regarda Perrot. Son attitude n’avait pas changé. Il ignorait ce qui arrivait à quelques pas de lui ; elle le surprit seulement à frissonner, mais sans en être certaine.
    Les taches noires sous les bras du moribond de l’Hôtel-Dieu de Montauban s’atténuèrent. Ses lèvres retrouvaient un semblant de couleur. Il s’ébrouait, reprenait vie. Il dressa la nuque, ouvrit les yeux, essaya de comprendre où il se trouvait, puis, hagard, défaillit et s’écroula.
    Hors les cheveux et les ongles, hors ses parties basses, sa maladie ne se voyait presque plus. Il était libéré de ses convulsions, le front apaisé. Até comprit qu’il s’était assoupi.
    Elle entendait les gardes qui marmonnaient dans son dos, terrifiés comme elle par ce qu’ils venaient de voir. La moniale protestait de plus belle parce qu’ils l’empêchaient d’approcher.
    — Mon Dieu… fit simplement Até.
    Perrot releva la tête.
    — Oui ?

C HAPITRE 0 2
    À Rome, le vieil Artémidore de Broca se tenait derrière son bureau de marbre dans son cabinet de la chancellerie du Latran. Il y régnait une chaleur étouffante, un feu avait été flambé dans sa cheminée pour faire disparaître des documents. Artémidore exigeait que les parchemins sensibles de la papauté soient détruits sous ses yeux ; il ne faisait confiance à personne. Le foyer était encore incandescent des correspondances secrètes et autres projets de décrets de l’interrègne.
    Artémidore regardait un petit homme debout devant lui.
    C’était un abbé frêle et osseux, les cheveux blancs, les épaules perdues dans une coule trop ample pour lui.
    Le chancelier essuya son front baigné de sueur.
    — Eh bien, Profuturus, y sommes-nous ? demanda-t-il.
    L’abbé approuva d’un signe de tête en accomplissant un pas vers son maître :
    — Votre fille doit encore retrouver une enfant et nous serons prêts.
    — Bien. Nous avons suivi toutes vos recommandations, l’abbé !
    Il lui tendit un rôle de textes que Domenico Profuturus s’empressa de saisir.
    — Tout est là, dit le chancelier.
    Il fixa l’abbé d’un œil lourd de reproches :
    — Vous avez conscience qu’il s’agit de l’opération où vous nous faites courir le plus de risques, Profuturus ? Avec les suites que cela peut engendrer ?
    Artémidore prit un document sur lequel il fit passer sa lentille de lecture :
    — Je vois que près de cent vingt détentions d’enfants ont eu lieu au cours de ces neuf derniers mois ?
    — C’est exact, monseigneur.
    Le chancelier secoua la tête :
    — Tirez de mes paroles les conséquences qu’il vous plaira d’en tirer, mais je pense que trop de personnes ont été impliquées et lancées sur trop de fronts différents. Des erreurs ont été commises, des fuites aussi qu’il a été difficile de contenir. Jusque dans nos propres rangs ! Vous l’avez appris en venant à Rome : certains de nos alliés, trop inquiétés par l’ampleur de notre projet, ont dû nous quitter…
    Il lui tendit un second feuillet :
    — Voici les noms des remplaçants de Portai de Borgo, Philonenko, Henrik Rasmussen, Benoît Fillastre et Othon de Biel.
    Profuturus le reçut.
    — Et maintenant ? fit Artémidore. Combien de temps encore ?
    — Quelques semaines, monseigneur, pas davantage. Comme je vous l’ai dit, j’attends les derniers enfants. Je suis convaincu de la pertinence des choix qui ont été arrêtés. L’expérience sera concluante.
    Le chancelier émit un grognement indistinct :
    — Quelques semaines ?… Hmm…
    Il haussa ses lourdes

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