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Des Jours sans Fin

Des Jours sans Fin

Titel: Des Jours sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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pas la formation, c’est la distribution de la tartinette de 70 à 90 grammes de pain infect et délicieux, le déshabillage rapide dans la cour et l’avalanche de coups de matraques pour aller s’écraser jusqu’à 4 h 30 le lendemain matin ; cela n’amène pas toujours le sourire sur les lèvres décolorées.
    — La nuit passe, insomnie, cauchemars, souffrances. Le réveil, dehors, vite, vite, la matraque, l’appel, le café, des têtes par-dessus le mur, nos camarades de l’autre côté nous saluent.
    — « Bonne nuit ? Oui, sans changement. »
    — « Comment va Marie Dubois ? »
    — « Elle est morte cette nuit ; elle ne souffrira plus. »
    — « C’est sûr ! »
    — Quelques paquets de linge passent par-dessus le mur, hâtivement les frigorifiés les revêtent en remerciant, cela réchauffe ; les braves femmes !
    — Nos deux copains arrivent, un peu de soupe dans une gamelle. Voilà ce n’est pas lourd. Nous la partageons en deux et dans chaque portion trois camarades plongent tour à tour leur cuiller ; demain ce sera d’autres et ainsi de suite.
    — C’est l’heure des visites ; des anciens du camp I viennent voir ce qui se passe ici, retrouvent des amis, les secourent autant qu’ils peuvent.
    — « Alors, quoi de neuf ? »
    — Des nouvelles contradictoires circulent (les bouteillons) ; ventre affamé n’a pas d’oreilles, et pourtant chacun veut savoir. Où est le front ? Que font les S.S. au camp ? Que disent-ils ? Chacun arrange les événements à sa manière. Mais au milieu de ce tumulte, l’organisation vit. Tous les renseignements, les attitudes des S.S., la température du camp sont soigneusement examinés, centralisés.
    — Serons-nous évacués ? Le camp II est composé uniquement de repliés des kommandos, beaucoup sont morts sur la route, tous les survivants sont las, malades, usés. Non, plus d’évacuation, plutôt mourir ici que d’aller crever plus loin.

IX
EBENSEE
    Un village suisse qui pousse la tyrolienne. Des chalets, du gazon, des balustrades rustiques, du vert tendre partout, un lac, des falaises, une couronne de sapins… une colonie… de vacances. Oui, c’est ça un « centre aéré » aux allées bien tracées. Et la piscine, vous avez vu la piscine ? Une vraie ! En dur ! En ciment ! avec plongeoir et eau propre.
    Dans les falaises qui dominent le camp, des gueules béantes ouvertes sur ce décor d’« Auberge du Cheval Blanc ». Les tunnels ? Pic. Pioche. Barre à mine. Wagonnet. Sueur. Poussière. Sang.
    Et vous savez, c’est un secret ! Un secret, vous comprenez ? Là-haut, en secret, on creuse les futures usines secrètes pour les armes secrètes. Les armes de la dernière chance. Ici, ils seront un jour. Oh ! les chiffres ! Ici ils seront, un jour, dix-huit mille déportés. Sur ces dix-huit mille, neuf mille six cent vingt-six mourront en six mois dans les tunnels et près de huit mille iront à l’infirmerie. Mais neuf mille et huit mille… Il n’y a que mille survivants. Non ! Dix-huit mille. Ils ont comblé les vides. Ebensee, comme tous les kommandos, est un camp « accordéon ».
    — Le lxxxviii Steinbruck. Imaginez une montagne dont on aurait rogné le pied. Un mur de rochers haut de 200 mètres et long de 500. À la base, des trous qui, de loin en loin, sont creusés dans ce mur : sept tunnels qui s’enfoncent dans la pierre blanche. Au-devant du mur, un immense espace qui s’agrandit chaque jour un peu plus. Là-dessus, des voies ferrées, des trains de wagonnets, des automotrices, des locomotives, des baraques, des transformateurs, des tuyaux, des câbles électriques, des projecteurs. Au milieu des amas de ferraille et de matériaux de toutes sortes, des hommes se déplacent, ployés sous le fardeau. Dix hommes pour porter un rail, huit hommes pour porter un poteau. La ronde ne s’arrête jamais.
    — D’autres hommes creusent des tranchées, déchargent les wagons qui entrent par trains complets sur le chantier, ou s’emploient à l’un des mille travaux qui donnent à cet espace cyclopéen l’aspect d’une fourmilière géante.
    — Cela n’est rien. Rentrons dans un tunnel. La voûte fait 8 à 10 mètres de haut. L’eau suinte sur les rochers faiblement éclairés. Sur le sol, on trébuche sur les rails, on marche dans l’eau et dans la boue. Un bourdonnement sourd grandit au fur et à mesure qu’on avance. Les wagonnets vont et viennent sans arrêt. Arrivé

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