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Des Jours sans Fin

Des Jours sans Fin

Titel: Des Jours sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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Henri Koch déploie le drapeau tricolore, le lève à bout de bras… Nous nous décoiffons d’un même geste. L’officier commande :
    — « Pour les Français… Garde-à-vous ! »
    — Nous nous redressons, les bras collés au corps. Plus de dos courbés ni de têtes baissées. Sous la tenue rayée du bagnard et dominant la plainte des ventres vides, il y a maintenant des hommes qui regardent droit devant eux.
    — « Repos ! Alignez-vous ! Couvrez…»
    — La colonne s’étire encore un peu plus et les mouvements s’accomplissent sans un mot, avec une précision de soldat tout comme pour une prise d’armes.
    — « Garde-à-vous ! »
    — Sur le chemin de la place d’appel, il semble que la foule en délire s’apprête à nous ouvrir les bras. Chez nous, c’est le silence, les gorges qui se serrent dans l’attente de quelque chose de grand.
    — « En avant… marche ! »
    — Et nous partons ensemble, au pas cadencé…
    — « Une, deux ! Une, deux !…»
    — Les yeux nous piquent et nos cœurs battent aussi fort qu’à l’approche d’une femme aimée. Devant nous, avec le drapeau de la patrie retrouvée, il y a la liberté qui sourit…
    — Le cii sang doit couler. Ne sens-tu pas que c’est nécessaire ? Immense soulagement, après toute cette sauvagerie. Il faut se venger. C’est bon, la vengeance, et puisque les S.S. nous ont échappé, payons-nous du moins sur leurs valets.
    — En place, donc, pour le spectacle ; il sera fastueux. Il en vaut la peine ; et pour te mettre dans l’ambiance, lu n’as qu’à réfléchir, oh ! une toute petite minute, à tout ce que tu as enduré ces derniers mois, et à tout ce que tu as vu. Pas besoin de répétition.
    — Première entrée de ballet : les pantins rouges. Quelques chefs de block imprévoyants, attaqués par surprise et saignés négligemment ; sang dégoulinant sur les vêtements, sur nos vêtements, ceux qu’ils nous ont volés. Voyons un peu ce que peut faire un bon couteau, manié avec énergie. Messire Otto le sait maintenant.
    — Deuxième entrée : la danse du tomawak. Que les matraques entrent en danse. C’est infaillible ; que les cervelles sautent contre les parois du bois, magnifiques fioritures ! Et si tu es un raffiné, vraiment un raffiné, un connaisseur, il n’est pas besoin de bâton ; les talons suffisent, bien appliqués sur le crâne. Tiens, comme cela, sur Paul Friedl, le chien entre les chiens.
    — Troisième entrée : les jeux d’eau. Réunion autour du bassin de la place d’appel. On verra bien qui fera le plus beau plongeon. Celui-ci ? Essayons donc avec cet autre-là. Tiens, il nage ; allons, messieurs, qui veut une pierre ? C’est le tir, à la fête de Neuilly, montrez votre adresse et faites voir ce que vous savez faire. Tiens, il coule. Non ! Si ! Mains crispées et bulles.
    — Finale : embrasement général. Je n’avais encore jamais vu le crématoire. Alors, c’est là-dedans qu’on a failli aller. Celui-ci n’est pas encore tout à fait mort, cela va te réveiller. Ah ! le Tzigane, eh bien ! qu’en dis-tu ? Ah ! non, ne sors pas du four, attrape un bon coup de barre de fer, mais pas sur la tête, il faut que tu savoures bien…
    — Secrète : on tue un peu partout, ce soir. Vous ne pouvez pas lire, cela vous fait horreur ? Nous, on ne vous en veut pas, vous ne pouvez pas savoir.
    — Moi, n’est-ce pas, je ne suis pas un sanguinaire. Et peut-être, après tout, ai-je moins souffert que les autres. Alors, je ne savais pas trop que faire.
    — Je connais tous ces hommes que l’on supprime, ce soir. Je sais leurs crimes. Ils ont égorgé, pendu, assommé, envoyé au fil électrique, noyé. Je sais bien tout cela. Mais l’atmosphère, ce soir, n’est guère différente des autres jours et je voudrais la paix, enfin la paix, et le silence. Les machines se sont tues, là-bas, aux tunnels. Il n’y a plus que de vagues rumeurs dans le camp. Mais là, tout près, un incendie ravage les baraques des S.S.
    — Que faire ? Ils ont raison, c’est sûr. Il faut bien laisser s’échapper comme par une soupape, le trop-plein des impatiences, des souffrances, des haines refoulées. Et l’on pourrait tout juste leur en vouloir, s’il s’agissait d’hommes normaux. Le plus grand crime des S.S. a été justement de tuer dans ces hommes tout ce qu’il y avait de spécifiquement humain. Le sang est bon à voir couler pour les hommes

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