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Des Jours sans Fin

Des Jours sans Fin

Titel: Des Jours sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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un barrage hydraulique. Nous fûmes affectés au chantier de la route. Celle existant serait noyée quand le barrage serait en eau : il nous fallait donc en construire une autre, 30 mètres au-dessus. Kommando maudit où j’allais « subsister » sept mois. Douze heures par jour, par tous les temps (à l’époque, il faisait régulièrement moins 10, moins 15) sous la surveillance de S.S. perchés dans leurs miradors et sous les coups des kapos tziganes, nous devions creuser la montagne, la racler, à la pique, à la pioche, à la masse, à la mine et évacuer les tonnes de pierrailles, dans la rivière. Ce travail, le plus effroyable, fut le plus dur que je rencontrai pendant tout mon séjour dans les camps de concentration.
    — Lorsque nous fûmes évacués vers Mauthausen, en septembre 1944, huit de nos camarades français, sur les onze que nous étions en arrivant, étaient morts ou mourants. Comme beaucoup de chantiers de terrasse, Gross-Raming était un « kommando accordéon »… dont l’effectif sans cesse « dégonflé » était aussitôt « regonflé ». Toutes les semaines, les morts étaient ramenés à Mauthausen dans des sacs en papier, et le convoi de quarante à cinquante que nous formions, représentait la main-d’œuvre de remplacement ramenée tous les huit ou dix jours. Les sacs en papier que l’on avait remis à chacun, à notre départ de Mauthausen, et que nous avions pris pour des sacs de couchage, étaient tout simplement les prochains cercueils des camarades qui devaient succomber au travail, dans la semaine ou la quinzaine qui suivait. Ce renouveau de main-d’œuvre fraîche était d’autant fréquent que le froid et les tempêtes de pluie et de neige s’acharnaient sur ce coin maudit d’Autriche. Tous les soirs, nous ramenions des chantiers des camarades morts de congestion ou d’épuisement. À la rentrée au camp, pour l’appel fait par un capitaine S.S. (ancien chauffeur de taxi) nous devions porter nos morts dans les rangs, car la « quantité » partie le matin au travail devait se retrouver intégralement à l’appel du soir. Seulement après l’appel – qui durait quelquefois des heures – nous avions le droit de porter les corps dans une petite baraque, et de les ensacher pour leur dernier voyage, jusqu’au crématoire de Mauthausen. Cette vie infernale devait durer jusqu’au 15 mai environ, date à laquelle les neiges fondirent enfin et la température devint plus clémente.
    — Si le travail était toujours aussi dur, la nourriture aussi mauvaise et peu abondante, le soleil réchauffait un peu nos déficiences physiques.
    — Les kapos, tous des droit commun, étaient à quatre-vingt-dix pour cent des invertis dont la seule marque d’humanité se manifestait par des débordements d’affection réservés – publiquement et en privé dans la chambrée – à leur petit ami du moment, toujours en principe un Polonais ou un Russe de seize à vingt ans. Ces favoris avaient les mêmes prérogatives que leur maître : soupe à volonté, exempts de corvées et le droit de nous schlaguer pour un oui ou un non pendant les distributions de soupe ou les rassemblements. Et les S.S. toléraient ces amitiés particulières.
    — À la rentrée du travail, un soir de mars, sous la neige, par moins 10 ou moins 15°, l’appel s’éternisa anormalement. Réunis à 6 h 30, nous étions encore, à 9 heures du soir, au garde-à-vous. Le commandant S.S. était mécontent de notre travail sur les différents chantiers. Un déporté russe, qui n’avait pu tenir son outil de la journée de par sa grande faiblesse, fut sorti des rangs. Deux kapos se mirent à le gifler et le rouer de coups. Deux minutes après, il était à terre, agonisant. Un des kapos lui tourna la face contre terre et lui sauta, à pieds joints, sur la tête. Ensuite, quatre hommes furent réquisitionnés avec des pelles. Devant tout le camp, un tombeau de neige de 1,50 mètre sur 1,50 fut édifié et le déporté allongé à l’intérieur, alors qu’il respirait encore. Cet enterrement vivant effectué, l’appel prit fin et nous rentrâmes dans nos baraques. Le lendemain, le corps glacé fut découvert de son linceul de neige et tout le kommando de mille cinq cents hommes défila devant ce martyr… exemple pour ceux qui pourraient avoir une défaillance au travail.
    — Vers le 20 août, les usines d’armement réclamant sans cesse de nouveaux ouvriers, le chantier du barrage fut

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