Des Jours sans Fin
serait-ce que par exemple des manifestations de politesse, si incroyable que ça soit dans une affaire de ce genre, eh bien, ces hommes-là sont revenus avec la certitude que les échelles de valeurs ont été comparées. Et nous avons les uns et les autres maintenant une notion personnelle de la liberté.
— Les philosophes parlent beaucoup de la liberté. Je crois que nous avons découvert la notion de liberté que chacun de nous possède ; et finalement nous concevons que les libertés soient comparables.
— Celui qui estime que la liberté de mouvements, la liberté physique ou l’art de bien manger est dans son esprit la chose fondamentale, s’est aperçu rapidement, quand il n’en est pas mort, qu’en déportation ça ne tenait pas. Et finalement probablement on arrive à cette notion de liberté individuelle qui est fondée certainement d’abord sur le sens que l’on donne à la vie de l’homme.
— Je crois, en fin de compte, que tout ce que nous avons pu voir et qui dépasse de loin les horreurs ou les souffrances de la guerre et de la déportation, montre que, ce que je crois avoir écrit un jour, c’est que consciemment ou inconsciemment, tous les hommes ont manifesté une vie spirituelle, qu’ils fussent croyants ou incroyants, c’est que l’homme ne vit pas seulement que de pain.
ANNEXE I
RÈGLEMENT DES CAMPS DE CONCENTRATION
Une caisse repêchée dans le lac Toplitz par le gouvernement autrichien contenait plusieurs relevés matriculaires se rapportant au camp d’Oranienburg, et différentes notes ou circulaires d’administration interne. Dans ce dossier, un document surprenant à lire : le Règlement du camp de concentration en date du 6 novembre 1942.
Lorsque l’on sait que tous les « règlements » ont été brûlés dans les heures qui ont précédé la libération des camps, qu’ils étaient tous calqués sur un modèle unique préparé par les services d’Heinrich Himmler, soumis à sa seule signature, et qu’enfin le spécimen initial « inauguré » à Oranienburg en 1933 a toujours été imposé à l’ensemble des commandants de camps, cet exemplaire repêché à Toplitz souligne le décalage gigantesque qui existait entre la fiction de la direction centrale et la réalité quotidienne sur le terrain.
Un règlement semblable à celui qu’on va lire (avec probablement des codicilles propres à Mauthausen) était affiché dans le vestibule du commandant Ziereis.
I. – Généralités
Les détenus des camps de concentration sont, sans considération d’âge, d’origine et de rang, placés dans une situation subalterne et sont contraints d’obéir immédiatement et sans appel aux ordres de leurs supérieurs. S’agissant des détenus, des agents d ’encadrement des entreprises S.S. (reconnaissables au brassard rouge) ainsi que des détenus chargés de maintenir l’ordre dans le camp, reconnaissables à leur brassard spécial. Les détenus indociles, réfractaires aux instructions reçues et qui, d’une manière quelconque, mettent en danger et troublent la quiétude et l’ordre dans le camp, seront punis en vertu du règlement disciplinaire, selon l’importance du délit.
Le camp de concentration est un établissement de redressement d’un genre tout particulier. Bonne conduite, assiduité au travail, constance dans l’accomplissement du devoir et façon de penser conformiste sont les conditions préalables de l’élargissement. Le camp est placé sous un régime essentiellement militaire.
Le costume doit toujours être propre, raccommodé et boutonné. Il est interdit de rester les mains dans les poches, relever le col, de cracher ainsi que de jeter du papier, des emballages de cigarettes et des allumettes.
Sont interdits : les conversations politiques, l’invention ou la propagation de bruits, également les jeux de cartes et de dés, tout jeu de hasard en général.
Il est interdit de commercer de quoi que ce soit, de changer ou d’emprunter de l’argent.
Les objets de valeur, tels que montres, bagues, stylo-graphes, etc. doivent être déposés à l’habillement.
L’esprit de camaraderie est un devoir.
II. – Les supérieurs
Chaque membre de la S.S. est un supérieur.
On doit l’appeler « Herr Kommandant, Herr Lagerführer, Herr Rapportführer, Herr Arbeitsdienstführer, Herr Blockführer ».
À l’approche d’un supérieur, on retirera promptement sa coiffure, six pas, on passera en adoptant une allure militaire
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