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Des Jours sans Fin

Des Jours sans Fin

Titel: Des Jours sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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flambée de ces débris, nous tous serrés autour de cette mince chaleur. La fumée sortant du toit attira Drokur. Alors, dans les vociférations et les coups, ce fut la plus dure séance de cette gymnastique d’épuisement.
    — Pendant plus de deux heures, en pleine nuit, torses nus, par dix degrés sous zéro, nous avons couru, sauté, rampé, marché à genoux, à quatre pattes, nous sommes restés une demi-heure dans la brise glaciale, assis sur les talons, mains sur la tête. C’est l’arrivée d’un jeune S.S. roumain, par ailleurs fort justement détesté par tous les déportés, qui mit fin à cette séance de torture. Crainte d’un décès qui obligerait à modifier les effectifs du transport déjà tout prêt et déjà annoncé à Mauthausen ? Sûrement pas en tout cas un geste de pitié ou d’humanité.
    Nous xviii regagnons enfin la baraque et chacun se précipite sur ses vêtements, mais la brute est là et nous oblige à rester tout nus jusqu’à ce que le jour se lève.
    Il nous quitte enfin, son service terminé, et nous nous rhabillons pour, peu après, toussant, crachant, pleurant, monter dans un car qui nous mène à Mauthausen. Là, nous sommes dispersés par petits groupes dont nous ne reverrons jamais certains de nos camarades de souffrance atteints de fluxion de poitrine et, par conséquent, morts d’épuisement. Autant de souffrances nouvelles épargnées pour eux.
    Un souvenir encore de mon camarade de paillasse Jean Turci, de Sarcelles, qui, depuis Fontevrault, où on lui a ouvert le ventre pour l’opérer de l’appendicite et refermé en hâte en raison de notre transfert pour Caen, puis Blois, puis Compiègne, puis Neue-Brem, qui se promène ainsi recousu en hâte, avec une plaie purulente et nauséabonde que je lui nettoie le soir, avec de vieux morceaux de chiffons ramassés dans le camp.
    *
    * *
    — Enfin xix , le 25 août au soir, à l’appel, on lit une longue liste. J’y figure avec Edmond et Jacques. Nous partons demain avec le grand Jo, Jean-Pierre Laffitte, Tison, Pujol, les trois frères Couche, le petit Jean Le Gall, André Ducroix, Albert Lespinasse, les deux frères Bodoignier, le père Ferrand, Arias, Rousseau, Demange, Boisson, le docteur Polnov (Israélite) et tant d’autres. Au total nous sommes soixante-douze.
    — Le docteur Polnov a été choisi comme interprète pour transmettre les instructions du chef de camp, l’inspecteur de la Gestapo au pantalon de golf marron clair et aux bas blancs. C’est ainsi qu’il nous annonce, à nouveau, qu’il y a eu erreur de la part de Paris, nous ne devions pas venir ici, demain nous repartons tous en France, on nous remettra nos bagages avant le départ et, à la frontière, nos objets de valeur. Une fois à Paris, nous regagnerons les uns Fresnes, les autres Romainville. Encore une fois, il y a eu erreur ; si nous avons été un peu durement traités ici, la direction s’en excuse et tient à exprimer que nous avons eu une bonne tenue au camp, prouvant par là que nous n’étions pas des bandits. Aussi nous souhaite-t-on bon voyage et une proche libération.
    — De retour au block, nous sommes sceptiques, ce serait trop beau. Polnov explique toutefois qu’il croit l’inspecteur :
    « Pourquoi nous tromperait-il ? Et si vous aviez vu le visage de cet homme lorsqu’il nous disait tout cela, il respirait la franchise ! »
    — En attendant, nous allons passer cette dernière nuit sur nos planches sarroises. Encore une fois demain, c’est l’inconnu.
    — Bien avant l’aube, le convoi est formé dans la cour. Chacun a repris sa valise, allégée de tout ce qu’elle contenait à l’arrivée en fait de tabac et de vivres ; il y manque aussi bien d’autres objets : couvertures, lingerie… Les S.S., les gardiens civils, la dactylo et Gaty sont passés là.
    — Cinq ou six fois, l’appel nominatif est fait puis, le quart d’eau tiède avalé, il faut rendre gamelle, gobelet et cuiller en échange des provisions de route. Elles ne sont pas compliquées : un pain d’un kilo, fendu par le milieu et redivisé en trois tronçons. À l’intérieur, une des faces est vaguement blanchie avec de la margarine. Un camarade, ayant rendu son gobelet fêlé (il l’était probablement à la perception), ne recevra, en fait de viatique, que quelques coups de matraque.
    — Après une longue attente, pendant laquelle le jour a paru, arrivent deux voitures cellulaires où tout le monde s’entasse.

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