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Des Jours sans Fin

Des Jours sans Fin

Titel: Des Jours sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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leurs infirmités, et également quelques-uns à la suite de recommandations ou de petites combines. Leur vie n’était ni très gaie ni très douce, mais ils possédaient l’avantage d’une nourriture suffisante, en quantité tout au moins, et d’un lit individuel dans un coin réservé. Ils disposaient également de linge. Quelques Français travaillaient là ; ils y rendirent, en général, de grands services à la collectivité.
    — Au-dessus, on trouvait les Stubendienst. Cette catégorie d’employés assurait, en principe, tous les services des locaux : nettoyage, entretien, corvées de perception des vivres. La pratique était assez différente. Ils constituaient, auprès des grands caïds du block, une véritable petite cour d’admirateurs. Leur jeunesse, leurs qualités physiques et… leur complaisance très spéciale jouaient un grand rôle dans leur désignation. Toujours bien propres, changeant de linge fréquemment, vêtus de neuf, ils paradaient un peu partout dans le camp, imbus de leur supériorité et de la haute autorité que leurs maîtres et seigneurs leur laissaient prendre. Combien de fois n’ai-je pas vu ce spectacle affligeant : un de ces gamins effrontés et vicieux giflant un homme qui aurait pu être son père, sans raison aucune. Au moment du coucher, ils venaient vérifier le nombre de nos couvertures et si notre tête ne plaisait pas, en prélevaient une sans vergogne et il n’y avait rien à dire. Le reste du temps, ils mangeaient, pas la soupe bien sûr, mais des petits plats appétissants amoureusement préparés sous notre nez, avec des pommes de terre, de la margarine, des oignons, de la conserve de viande, etc. Le tout prélevé au magasin à vivres ou sur nos rations. Quant au travail proprement dit, ils obtenaient des « nègres » pour le faire ; ceux-ci étaient choisis parmi les déportés ordinaires qui, au lieu de dormir, balayaient, frottaient les vitres et portaient les fardeaux. Lorsque ces derniers étaient volontaires, ce qui était fréquent, obsédés qu’ils étaient par la faim, ils percevaient une petite gamelle de soupe supplémentaire.
    — L’échelon supérieur était formé par les Stubendienst particuliers des grands pontes : Blockältester, Schreiber et Lagerältester. Ceux-là alors – sauf chez les Schreiber où, je crois, la tenue resta toujours correcte – étaient les poupées officielles de ces messieurs. Presque tous étaient Polonais. Pommadés, tirés à quatre épingles, portant des chemises de haut luxe (volées dans les valises des arrivants), des vêtements retaillés, chaussés de véritables souliers de cuir, ils s’octroyaient tous les droits sur nous et nous considéraient comme des êtres très inférieurs. J’en ai vu, je le certifie – le Polonais au « grand nez » en particulier – avec les yeux faits !…
    — Encore au-dessus, se trouvaient les « friseurs » des blocks et Stubeältester. Les premiers, un par baraque, ne coupaient jamais les cheveux et ne rasaient personne, en dehors du haut gratin. Leur travail consistait uniquement à entretenir quelques tondeuses et rasoirs qu’ils remettaient, périodiquement, à des hommes de corvée, perruquiers volontaires, qui opéraient, sur leurs heures de sommeil, après le retour du travail, pour gagner un peu de soupe. C’était un gros surcroît de peine pour ceux-ci – Russes en général – car ils devaient passer de trente à cinquante clients chacun. Nous étions rasés en moyenne une fois, parfois deux en huit jours ; pour les cheveux, la coupe intégrale, au double zéro, revenait toutes les six semaines environ et, dans l’intervalle, il était procédé deux ou trois fois au tracé de l’« autostrade » ou « raie au milieu » : cela consistait à diviser la chevelure renaissante en deux parties égales par le passage de la tondeuse depuis le front jusqu’au milieu du cou par derrière. Cette étrange coiffure donnait une allure plus grotesque encore.
    — Le Stubeältester était le chef suprême des Stubendienst ; il y en avait autant que de pièces par baraque. Au kommando Heinkel, sauf aux blocks 5, 6 et 7 de Schwechat qui ne vécurent que deux mois, il n’existait qu’un Stube par bâtiment. Il dirigeait toute la police intérieure, veillait à l’entretien du matériel, au nettoyage, préparait les rations alimentaires sur lesquelles en général il prélevait abondamment pour lui et son entourage immédiat lorsque

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