Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Des Jours sans Fin

Des Jours sans Fin

Titel: Des Jours sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
Vom Netzwerk:
incapables de rancune et, bien que n’aimant jamais l’étranger, beaucoup savaient avoir des gestes charmants. Curieux peuple, mentalité étrange et difficilement accessible à nos esprits occidentaux… âme slave !
    — Les Polonais, presque aussi nombreux, constituaient un des grands fléaux du lieu. Ce peuple, éternel opprimé, a acquis, dans ses malheurs, une méchanceté sournoise et une brutalité peu communes. Comment expliquer, par ailleurs, qu’une nation, jalouse de son indépendance, fière de son histoire et de sa culture, courageuse dans l’adversité et au combat, soit composée d’éléments si veules devant le bourreau et si farouchement égoïstes. J’ai connu, heureusement, quelques exceptions, des camarades très bons, pleins de tact et de délicatesse, et je pense principalement à Raczinski, à son camarade dont j’ai oublié le nom, à Rummel, à Jansk Wiezba, le petit paysan de vingt-cinq ans qui travailla longtemps avec moi et dont toute la famille avait été massacrée par les Allemands, et à quelques autres. Mais, en dehors de cela, il faut reconnaître que les Polonais étaient prêts à toutes les bassesses pour en retirer un quelconque avantage. Avec ces dispositions d’esprit et la connaissance de la langue que beaucoup possédaient, il était tout naturel qu’un grand nombre de places leur soient confiées. Les Schreiber, Stubendienst, kapos polonais étaient légion et, dans ces emplois, ils montraient un zèle étrange pour servir les Boches et exterminer leurs malheureux compagnons de détention.
    — Les Allemands, en majorité porteurs de triangles verts ou noirs, formaient la haute classe du camp et, bien entendu, l’élément le plus haïssable. Avec eux, c’est toute la « kapocratie » qu’il faut mettre en lumière.
    — Tchèques, Yougoslaves… formaient des minorités très mélangées. J’ai eu peu de rapports avec les premiers ; quant aux seconds, presque tous ceux que j’eus l’occasion d’approcher se montrèrent bons camarades. Tchèques, Serbes, Slovènes – je mets à part les Croates moins sympathiques – me semblèrent constituer la partie du monde slave la plus proche de notre mentalité.
    — Une note pittoresque fut donnée au « Lager » par l’arrivée, en décembre 1943, du premier convoi d’italiens. Au nombre de trois à quatre cents, ils venaient de Dachau. Ils représentaient toute la péninsule de la Calabre au Piémont, avec également des Sardes et des Siciliens. Plus bavards encore que les Russes et les Polonais – et ce n’est pas peu dire – ils étaient assourdissants dans le block. La première vision que nous en eûmes fut une longue colonne par cinq, composée de ces hommes petits et très bruns qui, pour la plupart, tricotaient de vagues bouts de laine récupérés on ne sait où, à l’aide d’aiguilles inénarrables. Ils étaient un peu ridicules certes, mais, avec leur tricot, ils se défendaient sur le marché. Ils ne tardèrent pas à devenir le souffre-douleur de tous, surtout des Russes. Ceux-ci se jetaient en bande sur un groupe à la sortie des distributions de pain et leur arrachaient leurs rations. Ces petits manèges se passaient de préférence au « waschraum ». Au cours des batailles, les Italiens se défendaient de leur mieux, distribuant même de mauvais coups traîtres, mais ils pleuraient en poussant des cris épouvantables et invoquaient la Madone. Ce n’était pas le meilleur moyen de se concilier l’estime des uns et des autres car on les traitait volontiers de « gonzesses ». Assez sales en général, ils nous apportèrent les poux. Par la suite, il en arriva beaucoup d’autres transports ; ils restèrent toujours un peu la risée mais s’intégrèrent malgré tout dans la vie du camp où ils cessèrent finalement d’être l’objet de vexations particulières. Entre Italiens et Français les rapports étaient faciles, le plus souvent. Je connus quelques jours, travaillant avec moi, le neveu du maréchal Badoglio ; il fut rappelé très rapidement à Mauthausen même pour y jouir d’un traitement plus doux.
    — Tout ce monde vivait, travaillait, mangeait, dormait mélangé, entassé d’incroyable façon. Au-dessus de ce magma, régnait la caste des privilégiés.
    — Au plus bas de celle-ci, étaient les membres des équipes d’épluchage des légumes. Ils avaient été désignés pour ce travail, les uns par hasard, d’autres en raison de leur âge ou de

Weitere Kostenlose Bücher