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Des Jours sans Fin

Des Jours sans Fin

Titel: Des Jours sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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de rivaliser avec mes camarades en l’art du sabotage presque impossible à déceler. Tous les travaux que nous avons effectués variaient avec les croquis cotés, mais ces variations restaient de l’ordre d’un dixième de millimètre, si bien que les pièces passaient sans anicroche sous le pied à coulisse du vérificateur confiant et, lorsque plusieurs semaines plus tard, arrivées au montage dans un hall éloigné, elles s’avéraient mauvaises, les Boches ne prenaient jamais la peine de remonter à l’origine de la défectuosité.
    — J’appris ainsi, tant dans un but de documentation personnelle que dans le but de sabotage, à me servir de toutes les machines du hall : fraiseuses, mortaiseuses, tours fileteuses, perceuses, poinçonneuses et même le marteau pilon en passant par les grands lapidaires, les meules portatives à air comprimé, les chalumeaux oxhydriques et la soudure électrique.
    — Le l camp était peuplé de Tchèques, de Russes, de Yougoslaves et de Polonais en majeure partie. Deux Français étaient là : Barry et Louis (?) de Thiers. Nous, les Français, avions établi de bons rapports avec les autres nationalités ; les Tchèques avaient déjà un solide appareil de soutien qui chapeautait l’ensemble des déportés. Leur chef de file, Bézek, homme de valeur et qui fut tué lors d’un bombardement, était secondé par Carlos, un Transylvain qui avait combattu partout où régnait le fascisme. Parlant couramment le français, il nous réunit un jour et nous tint ce langage : « Camarades français, vous valez quiconque est ici et je connais votre lutte. Mais vous avez vécu dans un pays de cocagne et vous êtes bien moins résistants de ce fait, que nous de l’Europe centrale. Attention ici c’est du gâteau, on a besoin de vous pour l’usine. Dans très peu de temps, les conditions seront très différentes. Il vous faut les prévoir et vous organiser sans retard pour vous soutenir. Sinon, avant un an, plus un seul d’entre vous sera vivant. » Le conseil fut retenu et un embryon de comité fut créé. Son action, au début, fut modeste, et consista à placer les camarades aux postes les moins pénibles. Valley en fut le promoteur ; il fut largement aidé par Max, notre interprète, qui, jusqu’à la Libération, eut toujours une conduite impeccable pour nous protéger dans l’usine. Loubarèche et Zellner secondaient Mimile. Tous les trois travaillaient sur des raboteuses ou machines à percer, groupées, ce qui leur permettait un rapport constant et efficace. Nous travaillions dans une usine neuve qui devait fabriquer des carcasses de tanks, mais où rien n’était encore organisé. La plupart d’entre nous, armés d’une énorme masse et à quatre autour d’un bloc d’acier, galbions des plaques de blindage. Deux jeunes de l’Ain crachèrent le sang au bout d’une semaine de ce travail exténuant, et furent nos premiers morts.
    — Convaincre des hommes, enclins à la peur et l’attentisme, du devoir, de ne produire rien qui vaille et saboter au maximum, était déjà difficile. Faire verser pour les plus faibles, une partie de sa soupe et de son pain quand on crève de faim soi-même l’était beaucoup plus. Fumer un mégot à cinq ou six fut, je crois, le premier pas, et peu à peu, la solidarité devint effective. Jean Thibault, de Dijon, qui était à l’outillage, mourut subitement et je fus désigné pour le remplacer. J’étais avec un autre Français, Foletti, un très bon ouvrier mais qui tomba dans la collaboration, dès le début, et m’obligea à une drôle de gymnastique.
    — Nous fabriquions surtout des outils à découper, d’eux dépendait la production d’une usine. Technicien moi-même dans cette activité, je connaissais à fond les qualités et le traitement des aciers que nous utilisions. Nous avions les dessins, mais aussi les délais de fabrication des pièces et leur nombre. Je n’ai jamais vu cela ailleurs. Dès le premier jour, l’idée de sabotage me tint en haleine. Que faire ? Nous étions fortement surveillés par des S.S. d’abord, des chefs allemands de métier et il y avait Foletti. Je m’informai des moyens de contrôle : machine à biller et pyromètre, il n’y en avait pas, il n’y en a jamais eu. Je m’efforçai donc de gagner la confiance par la qualité de mon travail et j’y réussis. Mon premier outil à découper était une merveille d’ajustage qui me valut les félicitations de

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