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Des Jours sans Fin

Des Jours sans Fin

Titel: Des Jours sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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chose que la déportation a développée chez ceux qui en furent victimes, c’est le sens de la communauté. Il n’en alla pas toujours ainsi chez tous, surtout vers la fin, où la misère devint vraiment trop grande et où il fallait avoir une très grande force de caractère pour ne pas sombrer dans un égoïsme total.
    — Mon ami Vidal, que le lieutenant S.S. chef de camp avait affecté, en raison de son âge, aux cuisines en qualité de « Kartoffelnschäller » (éplucheur de pommes de terre), réussissait de temps en temps à me passer soit une gamelle de soupe, soit quelques pommes de terre crues ou bouillies. Enfin, l’atmosphère du camp n’avait rien de commun avec celle de Mauthausen. Le « Lagerältester » (chef de camp), un Allemand de la frontière suisse, interné depuis huit ans comme communiste, était au fond un brave homme. Il prenait des colères folles, hurlait mais ne frappait jamais. Les S.S. le connaissaient et ne l’aimaient pas, eux n’appréciant que la manière forte et l’appliquant largement.
    — Nous avions aussi des moments de détente, les douches hebdomadaires et, une fois par semaine également, l’échange du linge. Le dimanche après-midi, il nous arriva quelquefois de nous grouper par nationalité et de donner une sorte de concert européen. Les Russes chantaient leurs chœurs emplis de la rude nostalgie de leur steppe, les Espagnols leurs violentes chansons, les Italiens gémissaient de roucoulantes sérénades napolitaines. La chorale des Polonais, la plus nombreuse et la meilleure en qualité, nous initia aux chants militaires slaves parmi lesquels nous retrouvâmes « La Madelon ». Nous sortions tant bien que mal « Le Chant du Départ », « Auprès de ma blonde », « La Madelon » et quelques autres. Un jour même, nous osâmes chanter « Le Chant des Partisans », mais aux premières mesures, les S.S. entendirent : « Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines », et interdirent aux chefs de block ces réunions et concerts.
    — Sur les quatre chefs de block, trois étaient relativement acceptables. Le quatrième était sur le modèle de ses collègues de Mauthausen et faisait régner la terreur dans son domaine. Aussi considérions-nous comme un manque de veine particulièrement cuisant le fait pour nous de passer au block Drei – block 3. Emil, le chef de block, ajoutait à sa brutale et stupide cruauté une propension légendaire à la pédérastie. Les jeunes recevaient tous son hommage représenté au début par des gamelles de soupe supplémentaires ou des exemptions de corvées jusqu’au moment où l’attaque s’étant faite plus directe, l’attitude du salopard changeait radicalement suivant la réaction. Alors, gare à ceux qui avaient repoussé ses faveurs.
    — Le travail en usine était réparti sur deux équipes. Une de jour (Tagchig) qui occupait le hall de 6 heures à 18 heures, la deuxième de nuit (Nachtchig) dont le travail s’effectuait de 18 heures à 6 heures. La surveillance de jour et de nuit était assurée par des « Werkschütz » (sécurité d’usines). Ces gardiens vêtus d’uniformes vert foncé, armés de vieilles pétoires étaient d’anciens ouvriers de l’usine qui, par suite de leur âge ou d’infirmités consécutives à des accidents de travail, ne pouvaient plus contribuer à l’effort de guerre allemand. On les utilisait donc comme gardes. Ils étaient postés sur des estrades placées aux portes du hall et deux ou trois d’entre eux circulaient à l’intérieur parmi les déportés. Leur rôle consistait à surveiller la bonne marche du travail et à empêcher les évasions. Ils n’étaient pas méchants. C’étaient, au fond, de pauvres bougres, payés insuffisamment et il était fréquent que des échanges aient lieu entre eux et nous ; nous leur fournissions du tabac ou des cigarettes que nous touchions, sous forme de primes au travail et, en échange, ils nous donnaient du pain. Ils ne restèrent d’ailleurs pas longtemps. Ils avaient une fâcheuse disposition à s’endormir aux environs de trois heures du matin, et quelques déportés allemands et même russes en profitèrent pour prendre la poudre d’escampette. Les pauvres « Werkschütz » se firent copieusement laver la tête et furent incontinent remplacés par des S.S. authentiques. Par ailleurs, un cordon de S.S. supplémentaires fut mis en place à l’extérieur du hall, si bien qu’à partir de

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