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Des Jours sans Fin

Des Jours sans Fin

Titel: Des Jours sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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sifflement caractéristique en même temps que le ronflement des bombes qui descendent, je m’allonge à plat ventre à même la chaussée de pierres. Des camarades tombent sur moi. Le chapelet explose, assourdissant. Je me relève alors et, pieds nus au milieu des débris, des pierres qui volent et dont le nombre obscurcit le ciel, je fonce vers le camp. J’ai le temps d’entrevoir des uniformes rayés dans toutes les directions. À peine ai-je parcouru 30 mètres que j’entends une troisième vague. Je m’allonge à nouveau mais seul cette fois et, pour éviter d’être écrasé par les blocs de pierres qui atterrissent un peu partout, c’est sur le dos que je me couche. Dans un vacarme infernal, je vois la chaîne des bombardiers qui fond sur moi. J’ai l’impression d’être le centre de cette portion du sol, et je me rends compte intensément de ma petitesse, de ma faiblesse d’enfant devant ce déchaînement de forces énormes. Mes yeux, que je me force à ouvrir malgré tout de temps en temps, malgré la peur animale qui m’étreint, aperçoivent les bombardiers. L’étoile blanche cerclée de rouge sur leur fuselage : des Américains ! Vais-je donc mourir ici sous des bombes amies ? Ils le savent bien pourtant nos camarades d’outre-Atlantique que nous sommes des leurs, mais comment peuvent-ils remplir leur mission de destruction sans que beaucoup d’entre nous disparaissent ? Les Boches ont toujours placé leurs camps de déportés en plein centre des usines.
    — La vague est passée. J’évite de justesse un énorme bloc de béton qui vient s’écraser à un mètre de moi. Je m’élance à nouveau, indemne ou presque car j’ai senti un choc sur mon front. Je m’apercevrai, l’alerte terminée, qu’un caillou m’a frappé et que mon front s’orne d’une superbe boursouflure. Je pénètre dans le camp juste au moment où une quatrième vague déferle. Une bombe tombe derrière la cuisine et le ciel s’emplit à nouveau de débris de planches qu’il faut éviter en pleine course.
    — Il lvii y avait, pour nous, des abris légers souterrains, peu profonds et constitués de parois de béton de quelques centimètres d’épaisseur formées de deux parties qui se rejoignaient au sommet, en voûte. C’était notre premier bombardement. On nous fait courir aux abris qui se présentaient comme des boyaux avec banc ininterrompu à droite et à gauche. Nous étions donc tous assis lorsque les bombes tombèrent. Bombes à droite, bombes à gauche ; craquements de toutes parts. Nouvelle vague, encore bombes à droite et à gauche, et nous voilà tous ensevelis. Les deux parois de béton refermées sur nous : des cris, des râles, plus de vie autour de moi. Je suis assis les jambes l’une sur l’autre, le corps plié dessus. Une troisième vague d’avions arrive. Je me suis dit : « Ils vont m’avoir ce coup-ci…» Nouvelles bombes, les avions s’éloignent… et c’est fini. J’essaie de bouger, en vain, je suis prisonnier du béton et de la terre, je ne peux pas me redresser. Mes voisins ne donnent plus signe de vie, alors je crie, j’appelle. Du secours arrive, j’entends les pioches et bientôt je suis dégagé… Ce sont mes camarades français, Mimile Valley en tête, qui viennent de me sortir. Tout le monde est mort à ma droite, à ma gauche, devant moi, des Italiens, des Russes… Mimile m’emmène voir des morts. Il y avait parmi eux un Soviétique qui, parfois, nous jouait de l’accordéon, un garçon qui m’était sympathique ; alors bien sûr, l’épreuve que je venais de subir, la vue des corps plus ou moins mutilés, tout cela fit que je tombai dans une crise de nerfs… Je n’avais absolument rien, pas même une égratignure. Le lendemain, je crois, je suis revenu à l’usine avec les survivants.
    — Dans lviii un fracas assourdissant, un premier chapelet de bombes éclate près de nous, détruisant la moitié de notre abri, coupant la lumière. C’est ensuite un pilonnage infernal. Nous sommes terriblement secoués. Sans cesse, de trois minutes en trois minutes, les chapelets de bombes s’écrasent alentour. Des cris, des blessés, des morts. Nous n’en sortirons pas vivants !
    — Je lix prends instinctivement la direction du petit bois qui longe l’affluent du Danube, les barbelés ayant été dispersés à cet endroit. Je suis encore à une dizaine de mètres de la lisière lorsque la cinquième vague amorce son mouvement hurlant. Mes

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