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Des Jours sans Fin

Des Jours sans Fin

Titel: Des Jours sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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montait sur un escabeau, se passait la corde au cou et un exécuteur retirait brusquement l’escabeau. Les six que j’ai vu mourir étaient tous des Soviétiques, tous sont montés courageusement, sans défaillance et ont crié : « Vive Staline », avant de se passer la corde au cou ! Alors tous, contrairement à la passivité que les bourreaux espéraient susciter, nous rejoignions notre block, absolument regonflés… L’exemple, c’étaient les condamnés qui nous l’avaient donné, exemple de courage devant la mort…
    — Après lxv ce premier bombardement, nous restons deux jours pleins au camp. J’en profite pour récupérer en restant allongé sur mon grabat aussi souvent que je le peux. Le troisième jour, les colonnes sont reformées. Nous sommes impatients de revoir l’usine. Nos vœux sont comblés car, en arrivant, nous apercevons des murs crevés, un restant de toit soutenu par des charpentes tordues, et la pluie qui tombe a déjà rouillé nos belles machines. Toutes les tuyauteries d’oxygène, d’air comprimé, d’acétylène, les câbles électriques, tout est ravagé et pend lamentablement. Bien entendu, comme tous je suis très heureux.
    — Sur place, nous sommes divisés en deux équipes. L’une reçoit des pics et des pelles et est mise immédiatement à déblayer et à boucher les innombrables trous de bombes disséminés un peu partout. La deuxième pénètre dans le fouillis du hall et doit commencer le déblaiement. C’est de cette dernière que je fais partie.
    — Le lendemain, je réussis à me faire embaucher à l’équipe du chalumeau oxhydrique à poste portatif. J’ai passé ainsi quinze jours dans les charpentes métalliques, à naviguer des piliers aux grosses poutres d’acier. Mon rôle consistait à sectionner les portions de poutres et poutrelles impossibles à redresser. Bien entendu, mon chalumeau fusant dans la main chaque fois que je me trouvais en face d’un câble électrique ou d’un tuyau de conduite encore intact, mon poignet faisait un petit détour et le câble ou le tube était inutilisable à cet endroit. Pendant ce temps, les camarades travaillant sur le sol empilaient sur des brouettes tout ce qui avait une valeur industrielle quelconque : outillage, aciers spéciaux, petits meubles, etc. Tout cela recouvert de quelques pelletées de décombres allait dans un trou de bombe et était incontinent recouvert par d’autres camarades qui travaillaient à cela comme des forcenés. L’un de nous réussit même à s’emparer sans être vu de la presque totalité des plans de pièces, croquis, épures et correspondances diverses au hall et à faire disparaître toutes ces paperasses dans un trou de bombe. Je suis persuadé que, pendant le mois où nous avons travaillé à « redresser » l’usine, nous avons fait autant de dégâts sinon plus que le bombardement lui-même.
    — L’usine perdit d’ailleurs, à partir du 25 juillet 1944, quatre-vingt-cinq pour cent environ de sa capacité de production. Cela fut pour nous un surcroît de souffrance bien entendu, car les vitres armées formant tout le côté sud du hall n’ayant pas été remplacées, le toit mal réparé laissant passer la pluie et la neige, c’est dans une sorte de hangar ouvert et parcouru par mille vents coulis que nous avons repris et mené le travail ralenti jusqu’à la Libération.
    — D’autres bombardements suivirent. Trente et une fois les bombardiers alliés vinrent sur Linz. Nous avions fini par en prendre l’habitude, et nous ne cherchions même plus à nous coucher pendant les attaques. L’alerte déclenchée, si nous en avions le temps, nous quittions l’usine pour le camp, avec chaque fois de plus en plus de désordre, car les S.S. m’ont toujours paru terrorisés à l’approche des bombardiers. Combien de fois ai-je traversé des bombardements massifs allongé sur mon lit ! Je tressautais avec ma couche à chaque bombe tombant pas loin et il me souvient d’une fois où, la bombe étant tombée à la pointe opposée du block, je fus projeté horizontalement contre le lit du dessus. En retombant, les planches formant le sommier de mon lit cédèrent et, à partir de ce moment, je me retrouvais invariablement par terre chaque fois que je voulais m’allonger sur ma couche imparfaitement réparée. Des cailloux en retombant avaient traversé le toit du block, et, par la suite, la pluie pénétra par ces ouvertures, ajoutant encore à notre

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