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Des Jours sans Fin

Des Jours sans Fin

Titel: Des Jours sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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de dire que les douches, lorsqu’elles servent, ne coulent que quelques secondes et, qu’au waschraum, il faut souvent sortir sous les coups avant d’avoir pu toucher l’eau.
    On ne lui dira pas non plus, bien entendu, que ces hommes n’ont ni savon, ni serviette, ni brosse à dents, ni rasoir alors que tout cela existe à quelques mètres d’eux, dans les bagages dont ils étaient munis.
    — Tout le reste de la matinée, pendant cinq longues heures, sous un soleil de plomb, nous ferons l’exercice, en colonne par cinq dans cette cour miniature, soulevant une poussière noirâtre avec les pieds. Cinq heures à marcher au pas, ou au pas de gymnastique, avec, bien entendu, un peu de « pilou-pilou » pour corser la sauce. Aucune pause ne sera donnée jusqu’à la soupe accueillie avec joie.
    — Tout en la mangeant, je fais ou refais quelques connaissances parmi les camarades venus directement de Fresnes, Voici le petit Jean Daumas, mon voisin de cellule à la troisième division. J’ai occupé six mois le numéro 264 où j’étais seul ; à la 263, se sont succédé : Robert Laubraux, agent des P.T.T. qui avait travaillé à l’établissement d’une table d’écoute sur le câble téléphonique direct Paris-Berlin, Robert Broguet, boulanger parisien qui appartenait à plusieurs organisations de Résistance et ne savait pas pour laquelle il était arrêté, enfin ce dernier, jeune enseigne de vaisseau des Forces Navales Françaises Libres, parachuté en France. Que d’heures j’ai passées à communiquer avec eux par les conduites d’eau ou en frappant au mur.
    — Il y a aussi Vedel, fils de l’amiral, lieutenant de vaisseau dans l’aéronavale, arrêté à la frontière espagnole. Et Tison, ouvrier spécialiste dans l’aéronautique, interné pour « aide à l’ennemi », qui a eu l’honneur de passer en jugement et d’être condamné à mort en 1942. Et Pujol, cheminot, actuellement, auparavant secrétaire de syndicat chez Renault, Athis, le grand tatoué, plus connu sous le nom de Jo, Jean-Pierre Laffitte, gamin de vingt et un ans, à l’accent duquel on reconnaît aisément un fils de Perpignan, il était courrier et passeur à travers les Pyrénées. Et tant d’autres dont j’ai oublié les noms : le vieux fermier normand qui abritait des aviateurs alliés abattus, avait un poste émetteur chez lui et disait gentiment aux agents de la Gestapo, venus pour l’arrêter :
    — « Vous venez probablement m’acheter des fraises, messieurs. »
    — L’ancien légionnaire, grand blessé, qui avait un magasin de radio à Paris, dans le quartier des Buttes-Chaumont, me semble-t-il…
    — Mais le repos dure peu. Un coup de sifflet nous rejette dehors, avec le cérémonial habituel. Le travail de l’après-midi sera utile et passionnant. Il va falloir ramasser, dans la cour, toutes les pierres, tous les cailloux d’une grosseur supérieure à un œuf de pigeon, et tous les papiers. Puis, à la main, une par une, arracher les herbes autour des baraquements et devant les barbelés. Cela, au moins, ne sera pas trop dur, le plus ennuyeux c’est l’implacable soleil sur nos crânes rasés.
    — Le soir, après le dernier appel dans le block à 22 h 30, le jeune S.S. qui est de faction nous parle aimablement :
    — « On vous a reçus si durement hier parce qu’il nous avait été annoncé un convoi de dangereux criminels. Nous voyons bien maintenant qu’il y a eu erreur et les inspecteurs qui sont venus, dans l’après-midi, l’ont constaté. Vous êtes des condamnés politiques, des patriotes, presque des prisonniers de guerre. À l’avenir, vous serez bien traités et il est question de vous renvoyer d’où vous êtes venus. »
    — Ce petit mensonge, qui fait naître tant d’espoir, fut la grande invention, on nous le répétera jusqu’au dernier jour, et il resservira pour nos successeurs. Je dois avouer que ce soir-là, tous marchèrent comme un seul homme tellement il nous semblait normal qu’une erreur se soit produite. Quant au traitement de faveur qui nous était réservé par la suite, il fut exactement le même : pas de paille, pas de couverture, mais, par contre, de nombreux coups.
    *
    * *
    — Nous vi sommes arrivés là à cinquante ; un convoi particulier venu de Compiègne : tous communistes et tous condamnés – à de rares exceptions près – à des peines de travaux forcés égales ou supérieures à sept ans. Parmi les quatre cents de

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