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Des Jours sans Fin

Des Jours sans Fin

Titel: Des Jours sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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tard, il bondit, titubant, hors du bâtiment. Le S.S. le fait mettre face à nous et dit :
    — « Il a reçu vingt-cinq coups. Tu ne riras plus, hein ! »
    — Le gosse, abruti, ne réagit pas. Il n’en faut pas davantage pour qu’il soit à nouveau poussé dans le bureau et ainsi, par deux fois, il recevra vingt-cinq coups supplémentaires. Revenant parmi nous, véritable loque, il n’en devra pas moins suivre tout le reste du jour.
    — Après cette entrée en matière, nous assistons au passage des consignes entre le jeune bandit brun et son collègue, le S.S. Drokur, ancien boucher à Sarrebrück parait-il, âgé de cinquante à soixante ans. Ces deux monstres sont les deux principaux gardiens du camp ; leur service dure vingt-quatre heures de suite, un jour sur deux. Au-dessus, se trouvent un officier, un sous-officier S.S. et un inspecteur de la Gestapo en civil. Le reste du personnel comporte une trentaine de S.S. et de civils du parti, de tous les âges ; l’un d’eux, bien que portant l’uniforme, doit avoir environ soixante-dix ans, et c’est l’un des plus mauvais, à chaque instant il tente de donner des coups de pied dans les fesses, mais ne pouvant lever la jambe assez haut, il se venge en frappant avec la crosse de son fusil.
    — Drokur, les consignes prises, et le plus clair là-dedans semble être la réception du fameux nerf de bœuf, vient à nous, une liste à la main. C’est encore une fois l’appel nominatif. Puis, nous sommes invités à percevoir chacun une petite cuvette en émail servant de gamelle, un gobelet en faïence et une cuiller en fer battu. Dans les gamelles, un prisonnier du camp verse un peu d’eau tiède, appelée « thé », et un autre distribue une mince tranche de pain innommable… À 20 mètres, dans les valises, se trouvent des provisions de bonne qualité !
    — Le frugal repas terminé, le S.S. fait déposer les ustensiles à terre et formant le groupe, en file indienne, on prend le pas de course autour du bassin ; à chaque passage devant lui, on reçoit sur les épaules un coup du terrible nerf de bœuf… Après bon nombre de tours, nous prenons le pas ordinaire mais pour peu de temps. En effet, Drokur indique l’exercice à exécuter maintenant : il s’agit de s’accroupir, les mains derrière la nuque, et de progresser ainsi, sautant, talons joints, sur la pointe des pieds. Que ceux qui n’ont jamais pratiqué ce sport essaient, et ils se rendront compte du plaisir éprouvé après trente minutes sans interruption avec, en plus, les coups tombant à cadence régulière sur les épaules.
    — Enfin, le supplice a cessé, nous voilà de nouveau en ligne, toujours face au soleil. Un coiffeur (!) est installé à l’autre bout de la cour et, un par un, nous sommes appelés dans le bâtiment de l’état-major où chacun pénètre avec ses bagages pour y être longuement fouillé et dépouillé de tout, à l’exception des vêtements qui sont sur le dos ; on ne pourra pas même garder un mouchoir de poche. Ô générosité de mes camarades ! Si vous assistiez, mes amis, au pillage de toutes les bonnes choses dont vous avez garni ma valise !
    — Tout ceci est très long, aussi faut-il bien occuper nos loisirs. C’est d’abord le spectacle du jeune homme au piquet qui, sous nos yeux, tourne sans fin en sautillant le « pilou-pilou », comme nous tout à l’heure, relevé à coups de cravache à chaque chute. C’est ensuite l’appel des trois Juifs de notre convoi ; ils doivent crier à voix forte, en allemand d’abord, puis en français :
    — « Nous sommes des cochons de Juifs. »
    — « Les Juifs sont des voyous. »
    — « Les Juifs sont les responsables de la guerre. »
    Puis nous recommençons le saut du crapaud. À une pause, Drokur remarque le père Adam qui a encore son manteau. Il s’approche et lut demande s’il a froid. Ahuri, le malheureux commet l’erreur de répondre :
    « Je suis vieux, cinquante-sept ans. »
    Aussitôt, il est condamné, pour se réchauffer, à exécuter seul le grotesque saut, suivi du S.S. qui lui laboure les reins, le dos et les épaules de sa cravache. Plusieurs fois, Adam tombera inanimé ; il sera régulièrement relevé à coups de pied, de poing, de cravache, et avec de l’eau. Finalement, il aura reçu un nombre de coups incalculable ; trois mois plus tard, à Schwechat, il me sera donné d’en voir encore les traces sur son corps.
    — Un autre sujet de

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