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Des Jours sans Fin

Des Jours sans Fin

Titel: Des Jours sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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chose merveilleuse. Des hommes, des femmes, des enfants circulaient dans ces rues que nous parcourions. Tous ces gens n’avaient pas un regard de pitié pour notre triste cohorte. Il est vrai que les S.S. avaient répandu dans l’opinion la version selon laquelle les déportés étaient un ramassis de criminels et de bandits raflés dans toutes les prisons d’Europe. J’ai vu des femmes rire à notre spectacle et des enfants nous jeter des pierres ou cracher sur nous. Cette période fut, malgré tout, une sorte d’avant-préparation à la Libération. Il nous arriva de tomber sur des wagons de vivres, desquels, malgré la surveillance, nous réussissions à prélever en petites quantités du blé, des haricots, du soja. Tout cela, mangé la plupart du temps cru, nous permit d’acquérir la petite réserve de forces qui nous était indispensable pour arriver au mois de mai.
    — Nous avions aussi plus de nouvelles. Nous avons appris ainsi l’avance foudroyante des Alliés, la libération des camps de Dachau, Buchenwald, Bergenbelsen, Dora pour ne citer que les principaux et, à l’est, Wiener-Neustadt, Neudorf, Neuengamme et d’autres délivrés par les Russes. Nous pouvions suivre l’avance de nos libérateurs et supputer ainsi la date approximative à laquelle ils arriveraient jusqu’à nous. Des paris s’engageaient dans une joie folle pour savoir si les premiers arrivés seraient les Américains ou les Russes.
    — Le mois d’avril fut marqué par une recrudescence de la mortalité au camp. Sur un effectif total d’une vingtaine de mille passé au kommando de Linz, nous restions à peine cinq mille fin avril. Et dans quel état… Les fours crématoires avaient cessé de fonctionner, des corvées étaient organisées tous les soirs pour collecter les morts dans le camp. Les cadavres étaient entassés pêle-mêle sur des charretons et ces véhicules, traînés par nous, allaient déposer leur macabre chargement dans les trous de bombe entourant le camp. Lorsqu’un trou était rempli jusqu’au bord de cadavres, on recouvrait d’une couche de 30 centimètres de terre et c’était tout.
    L’odeur qui se dégageait des trous non comblés était épouvantable. Il y avait des morts partout, dans les baraques, dans les allées, dans les w.-c., les lavabos, accrochés aux barbelés. Un cerveau lucide et en possession de tous ses moyens n’aurait pas tenu vingt-quatre heures dans une pareille ambiance.
    *
    * *
    — Depuis lxviii les derniers jours d’avril, les détenus de Linz III étaient pratiquement réduits au chômage… et sans indemnité. De temps à autre des kommandos de travail étaient rassemblés, comptés et recomptés. Entre les baraques, un long stationnement commençait que la douceur du soleil printanier rendait moins pénible. Ordres et contrordres se succédaient et à leur rythme les rangs se nouaient ou se déliaient.
    — La dernière activité du kommando auquel j’appartenais consista à rétablir le ballast et les rails d’une voie ferrée, détruite au cours d’un précédent bombardement. Les cris menaçants des S.S., les jurons des contremaîtres, étaient déjà vidés en partie de leur capacité de terreur. Les vents, de tous les points de l’horizon, étaient chargés de parfums d’herbe coupée et de promesses de vie. Nous pouvions encore mourir, certes, mais nous savions que ce serait en vainqueurs.
    — Ce remblaiement ne fut d’ailleurs pas achevé par nos soins et une alerte aérienne nous balaya vers le camp. Ce jour-là me vit aussi manger ma dernière salade verte de déporté. Je profitais de mes passages dans les fossés longeant les voies ferrées que nous réparions, pour cueillir des pissenlits. J’en secouais l’excédent d’assaisonnement de poussières et je les croquais ensuite en gourmet, sous l’œil désapprobateur de mes voisins soviétiques. Moi, j’attribuais de nombreuses vertus au « Taraxacum dens Léonis ». Je prenais seulement garde d’être hors de vue de la sentinelle S.S. qui n’aurait pas manqué de se réjouir et de mettre en relief cet appétit saugrenu.
    — Vers le 1 er mai, un avis du commandant du camp nous informa que, pour faciliter le maintien de la discipline intérieure, une police auxiliaire serait constituée par les détenus. Les diverses nationalités étaient conviées à se faire représenter.
    Le Comité International Clandestin de libération du camp se réunit alors pour peser cette proposition,

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