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Des Jours sans Fin

Des Jours sans Fin

Titel: Des Jours sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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sortir de là qui ne soit néfaste pour nous ? Les S.S. donnent l’impression de n’être pas rassurés du tout. Ils sont disposés autour du bois où nous sommes parqués et maintiennent leurs armes braquées sur nous. Ce n’est pas le moment de se faire tuer comme un lapin au gîte ! Enfin un ordre parvient : nous rentrons au camp !
    — C’est alors que, tacitement, quelques-uns d’entre nous décidons de ne pas rentrer au camp avec notre escorte de S.S. La liberté est trop proche, elle nous regonfle et ce serait vraiment stupide de se faire descendre à quelques minutes de notre libération. Tout le long de la colonne, un mystérieux mot d’ordre circule et, environ 500 mètres avant l’entrée du camp, un coup de sifflet retentit. Déjà affolés, les S.S. fuient. Quelques-uns bloqués se voient perdus et tirent dans le tas. Les premiers déportés qui ont réussi à se procurer une arme tirent sur les S.S. qui fuient dans toutes les directions.
    — Et lxx soudain, sans transition, comme par un coup de baguette magique, plus de gardiens. Les armes en d’autres mains. Des coups de feu isolés en queue de colonne, qui répondent à d’autres au loin. Des rugissements. Des hommes qui courent. Des bulles qui crèvent à la surface de cette masse jusqu’alors comprimée, asservie. Des explosions confuses et désordonnées. La haine qui fuse comme la lave des fissures d’un volcan. La joie terrible de celui qui avait peur et qui tient à sa merci celui qui le terrorisait. Ces premières heures de libération auront cette acre saveur de vengeance. Les plus frustes d’entre nous, ces jeunes Russes passés directement de l’enfance en enfer, éprouvent le besoin animal d’exorciser la peur dont leurs maigres épaules ont été chargées. La nuit qui tombe sera pleine de cris, de plaintes, de poursuites, d’exécutions sommaires. Les magasins à vivres seront défoncés, les casernements S.S. mis à sac.
    — Mais dans ce déchaînement, des touches humaines. Le gardien S.S. des cuisines, brave homme malgré ses écussons, est revêtu d’une tenue rayée pour se protéger d’une fatale erreur. Il devient cuisinier et paraît fort heureux de son sort privilégié.
    — Malgré ses efforts, notre Comité International constate bien vite qu’il n’a pas les moyens de maintenir la cohésion et d’assurer la vie de cette masse hétérogène livrée à elle-même. Les regards et les espoirs de chaque nationalité se portent vers des points divergents.
    — Aussi, le Comité français décide-t-il de prendre à l’extérieur les contacts qui permettront de regrouper ses ressortissants et d’assurer leur rapatriement. Et, en attendant, il s’efforce d’assurer au mieux leur vie matérielle.
    — Quelques jours plus tard, des prisonniers de guerre, mis au courant de nos besoins, ont fait évacuer un camp de travailleurs civils, le camp 52, et se chargent de pourvoir à notre alimentation et à notre habillement. L’évacuation est entreprise aussitôt. Je pars avec le dernier groupe, les jambes gonflées par un œdème qui a eu la délicate attention d’attendre le 6 mai pour se manifester. J’avance pas à pas, traînant mes membres gourds. Quelques heures plus tard, une douche brûlante m’a débarrassé de la crasse accumulée ; un complet de coupe bizarre mais propre a remplacé ma tenue rayée que j’abandonne aux poux ; et je rejoins le Comité dans une vraie chambre où je dispose d’une couchette pour moi seul. Je dormirai d’ailleurs fort mal cette première nuit. L’œdème sans doute. Mais aussi l’absence dans mon cou des orteils amicaux de mes anciens camarades de grabat.
    — Le lendemain, je réussis à me procurer une machine à écrire et je peux me livrer à un travail de secrétariat sérieux. Il faut d’abord opérer un recensement complet de nos effectifs, relever les adresses, préparer la libération. Puis, chaque jour, s’assurer de la préparation et de la distribution de la nourriture, visiter les camarades à l’infirmerie.
    — D’autres membres du Comité prennent contact avec les forces américaines, les officiers de liaison français, le service de santé, pour organiser le retour dans les foyers.
    — Et le 16 mai, enfin, cent soixante-trois d’entre nous très exactement, sont embarqués en camions pour rejoindre Bamberg, d’où un train les conduira lentement à Longuyon en traversant les ruines du Grand Reich. Les trois cent quatorze

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