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Des Jours sans Fin

Des Jours sans Fin

Titel: Des Jours sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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Blockältester, recevant chaque fois : pain, marmelade… prélevés sur nos rations des jours précédents. À notre joie, il n’y eut que quelques Français à se produire ainsi.
    — Mais cela ne fut point mon vrai Noël.
    — Avec quelques camarades très chers, nous avions décidé de ne point participer à ces « réjouissances » organisées, mais, au contraire, de nous isoler le plus possible et de profiter de la trêve de Noël pour vivre loin de Steyr.
    — La tournée de nuit de l’usine cessa son travail le dimanche matin pour ne le reprendre que le mardi matin, la tournée de jour, descendue le samedi soir, ne repartait au travail que le mardi soir ! Quelle halte ! Quelles vacances dans cette vie trépidante et sans répit. Nous en profitâmes pour nous réunir sur une paillasse : Yves, Raymond, Boby et évoquer, à voix basse, les Noëls d’autrefois et espérer les Noëls futurs. Conversation coupée de longs silences pendant lesquels chacun de nous s’évadait vers les lieux où vivaient des êtres chers. Silence interrompu par quelques Noëls païens ou chrétiens chantés à voix basse.
    — S’il y eut mélancolie et quelque cafard, nous puisâmes cependant, dans ce recueillement, une force nouvelle et une volonté nouvelle de revenir pour connaître de nouveau des Noëls de paix.
    — Dans lxxvi la matinée du 28 avril 1945, on rassembla les Français. Là, dans l’allégresse générale, on nous fit mettre en tenue ; ce qui consistait à prendre nos vêtements à demi potables pour les remplacer par nos guenilles, afin de nous renvoyer à Mauthausen. Nous faisons bonne contenance, mais nous pensons fortement que le crématoire n’est plus qu’une question d’heures.
    — Pourtant le commandant nous fit, sur « l’Appelplatz », le petit discours d’usage, nous informant de notre retour en France dû à l’amabilité du Grand Reich, nous laissant entendre de prier pour lui, dans notre patrie. Je dois dire à sa décharge que c’était un louveteau parmi les loups. Il avait repris, depuis le débarquement, un peu d’humanité ou d’intelligence. Notre espérance prit corps avec l’arrivée du car. Un seul conducteur accompagné d’un sous-officier S.S., revolver à la ceinture, pas une mitrailleuse, nous avions peine à en croire nos yeux.
    — En cours de route, un pneu arrière vint à crever, et pas de cric pour en effectuer le remplacement. Ce sont les camarades qui ont uni leurs efforts pour soulever le véhicule et en changer la roue ; et le plus extraordinaire, c’est que les cadavres que nous étions y soient parvenus.
    — Le soir, nous arrivons à Mauthausen ; Mauthausen qui, pour quelques jours, devait nous apporter, à côté de quelques joies, telles que le retour de nos camarades de Gusen, la distribution de colis de la Croix-Rouge, quelques cruautés nouvelles aussi qui devaient être fatales à bien des occupants de ce premier car de la Liberté.
    — Où êtes-vous maintenant tous les camarades qui soulevèrent ce car dans la fin d’un beau jour du printemps autrichien et tous ceux de Steyr ? Vous souvenez-vous ?…

VI
NOËLS
    1941.
    — Déjà lxxvii trois mois que j’étais là, et toujours en vie ! Péniblement, je rassemblai mes souvenirs… L’épuisement n’était plus seulement physique mais moral. Il était 10 heures du soir, et depuis plus de deux heures le silence régnait dans le block 5, silence redoutable, car il n’écartait pas la menace, toujours présente, d’une irruption de nos tortionnaires à triangles verts.
    — Le commandant avait fait distribuer du schnaps à ces messieurs et ceux-ci réveillonnaient à grand bruit, au son d’un accordéon ! Noël, fête de l’Amour et de la Paix… Nous étions couchés, deux hommes sous une seule et mince couverture, les fenêtres du block grandes ouvertes laissant pénétrer un froid piquant. Mais deux jours et trois nuits de repos nous attendaient : dans ce pays l’on fête Noël durant deux jours… Tout en attendant le sommeil, je repensais à la journée qui venait de s’écouler : les S.S. et leurs aides, visiblement préoccupés de leurs libations à venir, avaient abrégé les travaux, et c’est de bonne heure que nous quittions la carrière, sa neige et son granit, pour nous diriger vers une rapide distribution de notre pain du soir.
    — Cette nuit, alignés dans les lits, lequel d’entre nous ne songea à d’autres Noëls parmi les êtres chers, des

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