Des Jours sans Fin
nôtres qui fut pendu par les S.S. Par la suite, cette méthode fut réemployée pour se débarrasser des kapos les plus criminels, en même temps qu’on provoquait des arrêts de l’usine pendant trois et même, une fois, quatre jours par suite des sabotages.
— Le Kommandoführer S.S. lxxiii Rottenführer Schmidt, se signala par une cruauté inouïe touchant au sadisme. Lorsque le plaisir l’en prenait, il faisait descendre dans des abris, se trouvant derrière notre lieu de travail, tel ou tel de nos camarades, où il le rouait de coups selon sa fantaisie. Un certain jour, ce furent nos camarades Henri Nicoulleau, matricule 53.875 (assassiné), Émile Le Trocquer, matricule 54.069 (assassiné). Une autre fois, il s’en prit à notre camarade Dreneau René, auquel il fit subir les traitement suivants : tout d’abord il le roua de coups, puis pour l’obliger à rester au garde-à-vous, il le menaça de son revolver à la gorge, le tenant de la sorte en respect ; il put ainsi, tout à loisir, satisfaire sa fantaisie. Les mêmes faits sont à signaler pour le camarade Georges Dahy qui, dans une même journée, fut frappé plus de vingt-six fois. Et les mêmes scènes se répétaient tous les jours.
— En lxxiv août ou septembre 1944, deux internés allemands avaient projeté de s’évader. Dénoncés par un camarade, ils furent livrés aux autorités S.S. du camp qui se chargèrent de leur « punition ». L’exécuteur qui dirigea cette tuerie fut le sous-officier infirmier, porteur du brassard de la Croix-Rouge, le Unterscharführer S.D.G. Kauffler, du Revier du camp de Steyr-ville. Il s’en acquitta avec une joie bestiale. Son plan fut des plus simples. Il s’acharna avec un manche de pioche sur les deux coupables jusqu’à ce que l’un d’eux, las des coups, se sauvât en dehors de l’enceinte permise. Alors, fort de leurs « droits », les S.S. l’abattirent à coups de fusil. Le deuxième, sachant ce qui l’attendait, s’obstinait à demeurer dans les limites autorisées du camp. Sauvagement, le sergent infirmier frappa, redoubla ses coups, meurtrissant le crâne, tailladant le visage. Le « bagnard » tint bon toute la soirée. Il était présent le soir à l’appel, saignant, pitoyable, mais il avait sauvé sa peau. Pour peu de temps, hélas ! Le bourreau et ses aides recommencèrent leur triste besogne dès le lendemain matin. Il arriva rapidement à ses fins. Le malheureux condamné, fou de douleur, et ayant très bien compris cette fois, se sauva en direction du fleuve l’Enns. Alors les S.S. s’en donnèrent à cœur joie. Ce fut une véritable chasse à l’homme. Tous ceux qui, ce matin-là, allaient travailler au camp de Municholtz, ou au Stollenban du camp, purent entendre les coups de feu et les cris des héros nazis… puis plus rien. Le résultat désiré était atteint.
— Dans un rapport circonstancié, on allait pouvoir affirmer que les deux détenus dont il s’agissait avaient tenté de s’évader, dépassé les limites autorisées du camp et encouru la sanction prévue.
— Lors lxxv de notre arrivée au camp, nous espérions être de retour en France pour le 14 juillet. Puis nous reportâmes l’échéance à Noël. Hélas ! Noël se passa en déportation et aussi Pâques de l’année suivante. Les quelques anciens Français du kommando nous parlaient quelquefois de Noël 1943, qui fut une journée de légère détente dans leur vie de bagnard.
— Pour moi, le Noël 1944 fut, en partie tout au moins, une journée bienfaisante parce qu’elle fut l’occasion, avec quelques camarades très chers, d’une évasion… morale, loin, bien loin des « cérémonies officielles » et des barbelés. Depuis longtemps déjà, Noël se préparait dans tous les blocks, par les chefs de block et leurs favoris : confection des guirlandes, de fleurs artificielles, nettoyage plus soigné… Les Polonais, très nombreux à Steyr, se réunissaient pour répéter des cantiques et des airs de leur pays. Une fête se préparait qui fut donnée dans une partie de block non occupée, au cours de laquelle le Lagerältester, après les chants et attractions, prononça une allocution dans laquelle il formula, paraît-il, des souhaits de prompt retour dans nos foyers et rendit hommage aux Français qui, dans l’ensemble dit-il, étaient restés les plus dignes au camp…
— Une partie de la nuit des groupes de chanteurs allaient de block en block faire leur cour aux
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