Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Des Jours sans Fin

Des Jours sans Fin

Titel: Des Jours sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
Vom Netzwerk:
détenus ; ils attaquaient à la tête, arrachant tantôt la tête, tantôt la moitié de la tête des détenus qui faisaient encore quelques pas en hurlant et tombaient. Le nombre des morts augmentait considérablement. Il était évident que les S.S. étaient décidés à exterminer le groupe entier. Déjà de Dionne avait proposé de sauter sur les S.S., de les tuer, de les désarmer : on n’aurait pas ainsi sauvé sa vie, on aurait au moins eu la satisfaction de combattre et de supprimer ces brutes. Mais la majorité des autres détenus avait refusé.
    De Dionne veut en finir… Une charrette, après chaque chassé-croisé, charge les cadavres destinés au crématoire. De Dionne s’allonge… des cris, de longues minutes d’attente, on le soulève enfin. Entre le Revier et le crématoire : le tas de suppliciés.
    — Déchargez !
    De Dionne se lève, marche, court… Un S.S. le regarde en riant.
    — Sauve-toi vite !
    Une heure auparavant, l’abbé Vallée avait lui aussi « joué le mort » et gagné la vie… la vie… pour quelques jours de plus. Il mourut au Revier le Vendredi-Saint lxxxvi .

VIII
RETOUR DE CEUX DE MÖDLING
    — Nous 1 lxxxvii arrivons au camp de Mauthausen le 7 avril 1945, vers 16 heures. Comme lors de notre première arrivée, nous sommes alignés entre la cuisine et le mur d’enceinte. Que va-t-il nous arriver ? Les survivants des camps repliés de Pologne et d’Allemagne orientale ont été épurés des éléments malades et des plus faibles. Le camp est encombré, tous les kommandos doivent rentrer ici, il n’y a plus de place, il faut liquider ces êtres inutiles, ces ennemis du Grand Reich. Il y a assez de cette vermine sur le sol allemand. Les ordres des hautes autorités de Berlin sont précis : pas de déportés politiques aux mains des Alliés.
    — Après quelques heures d’attente, nous sommes déshabillés et passés à la douche ; une bonne douche tiède qui, ma foi, délasse un peu après sept jours de marche forcée. Et c’est encore le block de quarantaine. Oh ! misère, il faut recommencer cette vie affreuse : mille quatre-vingts entassés dans une baraque, les figures grimaçantes des chefs de block et Stubendienst assassins ; la schlague résonne sur les crânes, zèbre les maigres dos, les coups de pied courbent les hommes en deux. Enfin, tout le monde est casé en quelques instants. Maintenant, il faut dormir. Le sommeil n’arrive pas. Des hommes geignent et se plaignent. Chacun, encore une fois, revoit sa vie à cette nouvelle étape ; sept jours de marche avec un tiers de litre de soupe et 200 grammes de pain pendant les cinq derniers jours. La pluie qui vous a lavé et glacé pendant deux jours et deux nuits ; deux cents camarades qui dorment de leur dernier sommeil sous une mince couche de terre au bord de la route. Quelques averses et l’habit à rayures réapparaîtra à celte même place, les morts qui sortent de terre. Beaucoup de camarades sentent la vie les abandonner, la dernière étape, la tranquillité du camp ; le repos, se coucher, dormir ; la hantise de sept jours est à son terme, ce soir on peut dormir.
    — Mais non, c’est impossible. Il fait trop chaud. On étouffe ici, des pieds dans la figure, la tête sur des pieds, des pieds qui s’agitent et qui frappent la figure, la poitrine comprimée, le veilleur de nuit qui hurle : « Silence ! cochons ! », des gros souliers ferrés qui marchent sur les têtes, sur les ventres, sur les poitrines. Le chef de chambre matraque à tour de bras. Cris de douleur et de rage. Le silence ! puis à nouveau la rumeur s’élève, faible d’abord, elle grandit ; non, c’est impossible de dormir, impossible de respirer, quelle vie ! Les poux qui dévorent ; on compte les jours qui restent à vivre ; une semaine, trois jours. Demain matin, quelques-uns ne se lèveront pas. Un coup de pied en pleine figure, un peu d’espace vital, on ne peut pas vivre ainsi serré ; mille quatre-vingts corps fiévreux, harassés, battus, atroces, affreux, râlent et songent.
    — Entassés en sardines. Un homme tente de gagner la porte. La fosse d’aisance : un trou au milieu de la cour. Il se lève, les corps se desserrent alentour. Il veut marcher. La place manque. Le pied sur le ventre du voisin. Il tombe. Il se redresse. Il tombe encore. Il roule. La matraque. Des cris de douleur. Il est traîné aux lavabos. Il y passera la nuit. Quelques coups de pieds. La poitrine défoncée.

Weitere Kostenlose Bücher