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Des rêves plein la tête

Des rêves plein la tête

Titel: Des rêves plein la tête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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déjà vu une affaire de même, vous, madame Dussault? Il
calcule tout. Il est à la
     
    veille de venir
voir si mes épluchures de patates sont pas trop épaisses.
     
    La quinquagénaire
aussi haute que large était tout simplement outrée.
     
    — Si c'est comme
ça, c'est bien de valeur pour lui, mais il y aura pas de grand ménage de
printemps ici dedans, fit la ménagère d'une voix tranchante. Quand il se
plaindra que c'est moins propre, je lui expliquerai pourquoi, ajouta-t-elle. Au
fond, c'est une bonne affaire qu'il ait refusé. J'ai aperçu la petite Morin la
semaine passée, elle attend encore un petit et je pense pas qu'elle aurait pu
venir me donner un coup de main.
     
    — Moi, je veux
bien comprendre qu'il soit inquiet parce que les quêtes arrêtent pas de baisser
et que le conseil de fabrique lui a encore demandé de diminuer les dépenses du
presbytère, mais il faut pas charrier, reprit la cuisinière. Bonne sainte Anne,
il y a pas de gaspillage ici dedans ! Vous me croirez pas, mais il me reproche
même de servir de trop grosses assiettées à l'abbé Léger. Le pauvre vicaire est
en train de mourir de faim. On a beau être dans la semaine sainte, c'est pas
une raison pour jeûner tous les jours.
     
    — Entre nous, ma
bonne madame Gagnon, l'abbé Léger doit bien peser pas loin de trois cents
livres, dit la ménagère sur un ton narquois. Il pourrait se priver de temps en
temps, et ça lui ferait juste un peu de bien.
     
    — Vous dites ça
parce que la nourriture vous intéresse pas, madame Dussault, protesta la
cuisinière. Priver quelqu'un sur le manger, moi, je trouve pas ça chrétien. En
tout cas, j'ai dit à monsieur le curé que s'il était pas content, il avait qu'à
me laisser mettre les plats sur la table et servir lui-même ses vicaires. Ce
serait pas la fin du monde, après tout. On est rendus juste avec deux vicaires
depuis que l'abbé Claveau a été nommé curé à Sainte-Cunégonde.
     
    — Qu'est-ce qu'il
vous a répondu ?
     
    — Il a été bête
comme ses pieds, comme d'habitude. Il m'a dit de me contenter de faire ce qu'il
me disait, rien de plus.
     
    Au même moment,
Laurette s'assit pesamment sur sa chaise berçante dans sa cuisine et attira à
elle le panier dans lequel elle, avait déposé les vêtements à repriser. Elle
avait les jambes enflées et se sentait épuisée. Denise et Jean-Louis se
poursuivaient autour de la table en hurlant à qui mieux mieux.
     
    — Arrêtez de
crier comme des fous et assoyez-vous ! leur ordonna-t-elle sèchement. Vous
allez finir par réveiller votre frère. Si vous vous calmez pas, vous allez
retourner vous coucher.
     
    Les deux enfants
cessèrent immédiatement leur jeu pour aller s'asseoir sagement à la-table.
Jean-Louis reprit ses craies pour colorier dans un vieux catalogue de Dupuis
Frères pendant que sa sœur s'occupait de sa vieille poupée de chiffon. Avant de
s'emparer d'une première pièce de vêtement à raccommoder, la mère de famille
regarda longuement ses deux aînés et pensa que dans deux mois à peine, un
quatrième enfant allait venir s'ajouter à sa famille... Elle avait eu bien peu
de répit après la naissance de Gilles. Durant un bref moment, elle se rappela
la conversation qu'elle avait eue avec sa belle-mère au jour de l'An.
     
    Elle venait à
peine de retirer son manteau en arrivant chez ses beaux-parents que Lucille
Morin s'était exclamée à mi-voix :
     
    — Mon Dieu,
Laurette, venez pas me dire que vous êtes encore en famille ?
     
    — On dirait ben,
s'était-elle contentée de répondre.
     
    — Si ça a du bon
sens ! A combien allez-vous vous arrêter ?
     
    — Demandez ça à
votre garçon, madame Morin. C'est lui le père, après tout.
     
    — Ça me regarde
pas, ma fille, mais à votre place, je prendrais des moyens si Gérard est pas
raisonnable. Vous savez, c'est dans les familles nombreuses qu'on retrouve le
plus d'enfants anormaux.
     
    — Vous avez
raison, belle-mère, ça vous regarde pas, avait-elle sèchement répliqué avant
d'aller rejoindre son mari, qui avait déjà pris place dans le salon de ses
parents.
     
    Encore une fois,
cette scène désagréable avait jeté" un froid entre les deux femmes durant
le reste de la journée. Toutefois, Laurette s'était bien gardée de parler de
cette scène désagréable à son mari.
     
    Cependant, les
remarques de sa belle-mère l'avaient sérieusement troublée et elle n'avait pas
cessé d'y songer durant les jours suivants.

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