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Des rêves plein la tête

Des rêves plein la tête

Titel: Des rêves plein la tête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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allées, exécutaient un chemin de croix et
s'arrêtaient à chacune des stations.
     
    Laurette trempa
le bout de ses doigts dans l'eau du bénitier, se signa et repéra les deux seuls
confessionnaux occupés par des confesseurs. Une ampoule allumée au-dessus de la
porte de chacun indiquait leur présence. Elle entra dans un banc situé à faible
distance du confessionnal le plus proche et s'y s'agenouilla un instant. Par
souci de discrétion, cinq ou six personnes attendaient, debout, à quelques
pieds des portes qui flanquaient l'isoloir central, où le prêtre
officiait.      v
     
    Laurette décida
de prendre quelques minutes pour réfléchir à ce qu'elle allait avouer au
prêtre, son tour venu. Elle s'assit. La vue d'une brassée de rameaux laissée
sur la sainte table, à l'avant de l'église, fit naître un souvenir qui l'incita
involontairement à sourire.
     
    L'année de ses
douze ans, elle avait découvert une boîte remplie de rameaux sur le trottoir de
la rue Dufresne en revenant de l'école Sainte-Catherine. La boîte avait
probablement échappé à l'attention d'un livreur. Elle s'était empressée de la
dissimuler sous un balcon. Après la classe, elle avait rempli son sac d'école
de rameaux qu'elle était allée vendre de porte en porte dans le quartier en
disant que c'était pour permettre à sa mère d'acheter de la nourriture pour
elle et ses petits frères*.
     
    Plusieurs
ménagères s'étaient laissées attendrir et lui avaient tendu les deux sous
demandés en échange d'un rameau. Le subterfuge aurait été parfait si la parente
d'une voisine demeurant sur la rue De Montigny ne l'avait pas reconnue quelques
jours plus tard, au moment où elle sortait de chez elle. Cette dernière s'était
dépêchée de tout raconter à Annette qui ne l'avait vraiment pas trouvée drôle.
A son retour de l'école, Laurette avait eu droit à une mémorable fessée qui lui
avait enlevé toute envie de recommencer. Le pire avait été que sa mère l'avait
obligée,
     
    le dimanche
suivant, à déposer dans le tronc, à l'arrière de l'église, tous les profits de
sa vente.
     
    Toujours assise
dans la pénombre, Laurette laissait ses pensées vagabonder. Bientôt, le
souvenir des jeudis saints de son enfance lui revinrent. Elle revoyait sa mère
qui l'entraînait dans la visite incontournable de sept églises. Pas moyen
d'échapper à cette corvée ! Cela faisait partie des manifestations de piété
durant la semaine sainte chez les Brûlé, comme la confession et la communion du
matin de Pâques.
     
    Devenue adulte,
Laurette se serait bien passée de toutes ces obligations qu'elle trouvait trop
contraignantes, mais la crainte de l'enfer et du qu'en-dira-t-on était demeurée
la plus forte. Depuis son enfance, les habitants du quartier qui ne
pratiquaient pas étaient vite repérés et ostracises. Et lorsqu'on devenait
parent à son tour, mieux valait aller régulièrement à l'église et ne pas
attirer l'attention du curé de la paroisse si on ne voulait pas être montré du
doigt et voir ses enfants rejetés par les petits voisins.
     
    Par conséquent,
Laurette s'astreignait, sans grand enthousiasme, à observer les règles apprises
à la maison et à l'école. Les privations durant le carême, la messe obligatoire
du dimanche et la prière quotidienne en faisaient partie. Elle se devait
également de transmettre ces rituels à ses enfants, jusqu'à ce qu'ils
deviennent, pour eux aussi, une habitude. C'était là une importante partie du
rôle qui lui revenait.
     
    Quand elle eut
terminé son examen de conscience, elle se leva péniblement et vint se mettre
debout derrière les fidèles désireux de se confesser. Du coin de l'oeil, elle
avait évalué la longueur des files d'attente de part et d'autre des
confessionnaux et avait choisi la plus courte. Elle était la huitième, juste
derrière un vieux monsieur tout de brun vêtu.
     
    Elle attendit de
longues minutes, avec une impatience croissante, n'osant pas s'appuyer contre
le mur. Elle se mit à rager contre celui ou celle qui tardait tant à sortir du
confessionnal. Depuis un instant, le confesseur avait entrouvert sa porte,
probablement pour aérer la cabine étroite où il était confiné.
     
    «Veux-tu ben me
dire ce qu'elle a tant à raconter, elle ? » se demanda-t-elle à un certain
moment en constatant combien une vieille dame, entrée dans le confessionnal
depuis presque dix minutes, mettait du temps à le quitter. «Bout de

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