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Des rêves plein la tête

Des rêves plein la tête

Titel: Des rêves plein la tête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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famille, lui annonça-t-elle, fataliste.
     
    — Ah ben, cybole
! Ça achève le plat, se contenta de dire le père de famille sur un ton
découragé.
     
    Gérard ne trouva
pas facilement le sommeil ce soir-là. Les yeux ouverts dans le noir, il se
demandait comment il allait réussir à joindre les deux bouts avec son salaire.
Sa dernière augmentation datait de trois ans. Les quatorze dollars qu'il
ramenait à la maison chaque semaine ne parviendraient plus à loger, nourrir et
habiller les siens.
     
    De son côté, la
perspective d'une autre grossesse angoissait passablement Laurette. Elle tenait
le budget familial depuis son mariage et savait à quel point les fins de mois
étaient difficiles.
     
    — Avec un
cinquième, dit-elle à sa mère quelques jours plus tard, je sais pas ce qu'on va
pouvoir faire pour arriver.
     
    — Inquiète-toi
pas, la rassura Annette. Le bon Dieu va t'aider. Tout va s'arranger, tu vas
voir.
     
    — Je voudrais ben
vous croire, m'man, répliqua-t-elle en affichant un air peu convaincu. Au fond,
il faudrait surtout que Gérard se décide à demander une augmentation. Ça fait
trois ans qu'il gagne le même salaire et tout augmente. Moi, je peux pas
continuer à faire des miracles avec l'argent qu'il me donne.
     
    — Pourquoi il le
fait pas ? demanda Annette.
     
    — Il dit que
c'est risqué de se faire jeter dehors s'il demande trop.
     
    Le dernier mois
de 1939 fut ardu pour les Morin. Les quatre enfants attrapèrent tour à tour une
vilaine grippe qui se transforma en bronchite. Par conséquent, Gérard et les
siens demeurèrent cloîtrés dans la maison durant toute la période des fêtes,
jusqu'à la mi-janvier.
     
    — C'est pas
surprenant, déclara Lucille lors d'une de ses rares visites. C'est tellement
froid chez vous que c'est à se demander comment ces enfants-là attrapent pas
une pneumonie. On sent l'air froid nous courir sur les jambes.
     
    — On fait ce
qu'on peut, madame Morin, dit une Laurette aux yeux largement cernés. On a beau
chauffer le poêle et la fournaise, on gèle pareil.
     
    — Tu devrais
déménager et te trouver un bel appartement comme celui de Rosaire et Colombe,
reprit Lucille en s'adressant à son fils, occupé à s'allumer une cigarette.
     
    — C'est facile à
dire, belle-mère, intervint sa bru avec un rien d'impatience dans la voix, mais
il faut avoir les moyens pour faire ça. Votre garçon se décide pas à demander
une augmentation.
     
    — Tu devrais le
faire, Gérard. Ton boss te mangera pas, l'encouragea son père.
     
    — C'est ce que je
vais finir par faire, p'pa, promit Gérard. Vous comprenez que c'est pas facile.
En sept ans, je suis passé de neuf piastres à quatorze piastres par semaine. Il
faut pas que j'exagère.
     
    Après le départ
de ses beaux-parents, Laurette ne put s'empêcher de dire à son mari :
     
    — Maudit que ta
mère m'enrage des fois ! Comme si on avait le choix de rester ici dedans !
     
    — Énerve-toi pas
pour rien, répliqua Gérard. Elle s'en fait pour les enfants.
     
    Tout en tentant
de la raisonner encore une fois, Gérard jeta un coup d'œil à sa femme, inquiet
de lui voir un air aussi épuisé. Depuis quelques semaines, elle se levait
     
    plusieurs fois
par nuit pour donner du sirop aux enfants ou pour bercer Richard qui mettait
beaucoup plus de temps que les autres à guérir. Laurette le tira toutefois
rapidement de ses pensées.
     
    — Lundi, après
l'ouvrage, il va falloir que t'arrêtes chez Bégin pour lui commander de l'huile
à chauffage et cinq autres poches de charbon. Je sens qu'on va finir par en
manquer, le tas de charbon dans la cave baisse trop vite à mon goût. En
revenant, tu me prendras une bouteille de sirop Lambert à la pharmacie. J'en
aurai pas assez pour me rendre à la fin de la semaine.
     
    Le vendredi
suivant, malgré le froid qui sévissait, Gérard revint du travail
particulièrement de bonne humeur. Avant de retirer son manteau et ses bottes,
il demanda à sa femme si elle avait besoin de quelque chose chez Comtois.
     
    — Non. J'ai tout
ce qu'il me faut.
     
    — Il commence à
neiger, lui annonça-t-il en entrant dans la cuisine où elle était occupée à
préparer la sauce aux œufs qu'elle avait l'intention de servir au souper.
     
    — On va peut-être
geler un peu moins, conclut cette dernière en déposant sa louche pour prendre
la petite enveloppe beige que son mari venait de déposer sur le comptoir, près
d'elle.
     
    Laurette vida

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