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Des rêves plein la tête

Des rêves plein la tête

Titel: Des rêves plein la tête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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Jean-Louis et déposa Richard et Gilles dans le landau. Elle
descendit la rue Fullum jusqu'à Notre-Dame et entreprit de marcher jusqu'à la
rue Dufresne.
     
    De l'autre côté
de la rue, les érables du parc Bellerive arboraient encore une bonne quantité
de feuilles rouges, orangées et or. Celles qui étaient déjà tombées avaient
pris une vilaine teinte brune et s'étaient accumulées contre le moindre
obstacle. Pendant un bref moment, Laurette eut la tentation de traverser, mais
remarquant la présence de plusieurs vagabonds, elle jugea préférable de marcher
jusqu'à la rue Poupart. Elle longea le vieux four à chaux, traversa la rue
Sainte-Catherine et tourna rue Champagne, où elle s'arrêta pour saluer sa mère
en passant.
     
    — Viens t'asseoir
pour te reposer un peu, lui offrit celle-ci après avoir embrassé ses
petits-enfants.
     
    — Ce sera pour
une autre fois, m'man, dit-elle. Les enfants sont fatigués et je veux les
coucher en arrivant. En plus, je dois arrêter chez le Chinois pour prendre les
collets de Gérard.
     
    Quelques minutes
plus tard, la jeune femme abandonna son landau à la surveillance de Jean-Louis
devant la vitrine couverte de papier kraft de la buanderie située à côté de la
nouvelle succursale de la Banque d'Épargne, coin Dufresne et Sainte-Catherine.
     
    — Fais ben
attention à tes frères, mon cœur, dit-elle à son fils aîné. Moman en a juste
pour une minute.
     
    Laurette
n'entrait jamais dans cette buanderie sans une certaine appréhension. Le vieux
Chinois, debout derrière le comptoir en bois qui occupait tout le fond de la
boutique, l'inquiétait au plus haut point. Elle n'aimait ni l'odeur étrange des
lieux ni le fait que son propriétaire ne parlait pas sa langue.
     
    En poussant la
porte, une clochette fit sortir l'homme de derrière un rideau aux couleurs
éteintes. Aucun sourire ne vint illuminer sa figure ridée. Il se contenta de
tendre la main pour prendre le morceau de papier déchiré que Laurette avait
déposé sur le comptoir. Il se tourna vers les tablettes qui occupaient tout le
fond de la boutique, repéra un paquet enveloppé de papier brun et rapprocha le
bout de papier de celui qui se trouvait sur le paquet. Il déposa ce dernier sur
le comptoir et écrivit le chiffre dix sur un nouveau bout de papier.
     
    La cliente prit
dix sous dans-sa bourse et les lui tendit en prenant soin de ne pas le dévisager.
De retour à l'extérieur, elle ne put s'empêcher de murmurer :
     
    — Lui et ses cols
empesés ! La prochaine fois, il viendra les chercher lui-même. J'haïs cette
place-là.
     
    Depuis deux ou
trois ans, Gérard se faisait de plus en plus coquet, sans qu'elle trouve à y
redire. Le père de famille avait choisi de soigner son apparence. Il ne sortait
jamais de la maison avec une mise débraillée, même lorsqu'il allait chez
Comtois pour acheter son tabac ou son journal. Lors de leurs sorties, il
n'était pas question de porter autre chose qu'une chemise blanche dotée d'un
col rigide. Il portait évidemment une cravate et un veston. Pour aller au
travail et en revenir, il avait toujours des vêtements propres et était
minutieusement peigné. Parfois, il osait même faire à sa femme une remarque sur
sa tenue. En ces occasions, Laurette ne manquait jamais de laisser éclater sa
mauvaise humeur.
     
    — Viens pas faire
ta mère ici dedans ! s'écriait-elle. J'ai pas le temps de me minoucher, moi.
J'ai les enfants sur le dos du matin au soir. A part ça, si j'avais autant
d'argent que ta sœur Colombe pour m'habiller, moi aussi, j'aurais l'air du
monde quand je sors. Ben non ! J'ai toujours la même maudite robe sur le dos.
     
    L'allusion au
salaire misérable qu'il rapportait à la maison avait le pouvoir de faire taire
son mari. Elle sous-entendait ainsi qu'il manquait nettement d'ambition. En
cela, il ne ressemblait pas du tout à son beau-frère Rosaire qui se vantait
depuis peu de presque doubler son salaire hebdomadaire avec ses ventes de
voitures usagées.
     
    A la mi-octobre,
Denise fréquentait l'école Sainte-Catherine depuis déjà plus d'un mois quand
elle réserva une surprise plutôt désagréable à sa mère.
     
    — M'man, j'ai
oublié de vous montrer le papier que sœur Thérèse nous a donné avant de partir
de l'école, dit-elle en faisant mine de quitter la table.
     
    — Finis de manger
ton pâté chinois. Tu me montreras ça après le souper, lui ordonna sa mère en
tendant une première cuillerée de

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